A une moindre échelle, bien sûr, qu’Iggy Pop – dont la survivance insolente aux excès demeure l’un des plus grands mystères du rock et de la science conjugués –, la pérennité d’une voix pourtant aussi maltraitée que celle de Ian McCulloch reste une jolie énigme.
Comment le chanteur des Bunnymen peut-il avoir conservé ce timbre suave, gracieux et félin à travers autant de drames et d’outrances ?
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Car si le Liverpudlien a perdu de sa superbe, de sa beauté sauvageonne et de sa grandiose arrogance, il n’a absolument rien lâché sur le chant, avec quelques chansons anciennes venues ici témoigner en jalons cinglants. Plus de vingt ans après, il incarne ainsi avec une classe et une bravoure toujours aussi affolantes des chansons comme The Cutter, All That Jazz ou Ocean Rain. Mieux encore : il a encore plus diaboliquement perfectionné son crooning fatal, quelque part entre Brel, Sinatra et Jim Morrison, débarrassé des réflexes punk du début. On parlait de son physique – il est presque miraculeux que Mac soit encore à ce point debout. Avec son sens lapidaire de la formule, Liam Gallagher décrivait ainsi l’allure du chanteur des Bunnymen il y a quelques années : “Avant, tes cheveux, c’était un gratte-ciel. Aujourd’hui, c’est un bungalow ». Oasis, comme Coldplay, fait ainsi partie des groupes qui sont venus quémander un jour ou l’autre à McCulloch le secret de son rock ultra-lyrique et pourtant jamais pompier, habité et flamboyant sans se ridiculiser dans le grandiloquent.
Ce concert, enregistré à Londres en 2005 et filmé sans inspiration, apporte une réponse : c’est dans la nonchalance, cette forme de paresse militante, que se niche le secret de cette voix, capable d’exploits et de cabrioles, mais se contentant, effrontément, d’une sorte de service minimum en première classe. Une voix qui garde, qui ne cherche pas à impressionner, à démontrer, qui a bâti à elle seule le code de conduite des Bunnymen, virtuoses indolents, prodigieux musiciens psychédéliques se contentant avec bonheur, de leur hauteur, des petites joies banales de la pop-music. D’Interpol aux Killers, beaucoup de leurs suiveurs – n’ayant retenu que leur noirceur en négligeant leur brillance, leur lyrisme outré sans leur retenue – seraient inspirés de remonter à cette source, à cette rigueur, à cette désinvolture.
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