A l’occasion du concert évènement qui se tiendra le 5 août prochain au Festival Fnac Indétendances, et de la sortie de la compilation Africa Express presents…, Damon Albarn nous a grâcieusement accordé une interview. Il parle de son collectif et de sa passion pour l’Afrique, et nous met au jus sur l’avenir de Blur. Pleins phares sur l’expérience qui a changé sa vie.
Le 5 août prochain, et pendant 5 heures, se tiendra sur le parvis de l’Hôtel de Ville à Paris le concert itinérant Africa Express : un collectif de musiciens rassemblés par Damon Albarn, le leader des groupes Blur et Gorillaz, jettent un pont musical entre l’Afrique et le monde occidental. Après être passés par Londres, Lagos, Kinshasa ou encore Liverpool, Amadou et Mariam, qui ont déjà collaboré avec Albarn sur l’album Welcome to Mali, seront présents à Paris. On retrouvera également Oumou Sangare, Mongrel (supergroupe avec des membres d’Arctic Monkeys, de Babyshambles et Reverand & The Makers), Rachid Taha, Bashy, The Hypnotic Brass Ensemble, Souad Massi, Vieux Farka Toure, Patrick Wolf, Konono No 1, The Magic Numbers, Speech Debelle, Ms Dynamite, Roots Manuva, Gruff Rhys et son groupe Super Furry Animals, Guto Pryce, Bassekou Kouyate et Ebony Bones auquels viendront s’ajouter des artistes de dernière minute, conformément au caractère spontané de l’évènement.
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Deux jours plus tôt, c’est à dire le 3 août, sortira en CD et DVD la galette Africa Express presents… comprenant 17 titres en tout, dont des chansons inédites d’Amadou et Mariam, Baaba Maal et Tinariwen, et des morceaux de Oumou Sangare, Tony Allen, Femi Kuti, Staff Benda Bilili, Rokia Traoré et Rachid Taha. Tous ces titres ont été choisis par des artistes venant d’occident, comme par exemple Bjork, Franz Ferdinand, Elvis Costello, Massive Attack, VV Brown et Fatboy Slim.
Le site du Festival Fnac Indétendances
Le site officiel d’Africa Express
L’interview de Damon Albarn :
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Peux-tu nous parler des débuts et de la conception du projet African Express ?
Pour moi ça a commencé lors de ma visite au Mali, en 2005 je crois. C’était vraiment une révélation de fouler le sol africain, écouter des albums, jouer pour de vrai avec des gens de là-bas, et commencer à comprendre, à appréhender la musique de cette manière-là, toucher du doigt ses origines. Mais d’une certaine façon la chose la plus stimulante concernant l’Afrique est que les origines sont encore là, tout autour de vous, comme sensation naturelle. J’ai passé beaucoup de temps là-bas à faire mon propre truc, puis je me suis rendu au Festival du désert en 2004 si je me souviens bien. De fil en aiguille, je suis arrivé à une idée très simple : ne serait-ce pas fantastique de rassembler plus d’artistes (NDR : des artistes occidentaux) en Afrique pour qu’ils voient d’eux-mêmes, et d’une façon briser le cliché véhiculé par Live Aid (NDR : série de concerts de charité pour l’Afrique, mais accueillant exclusivement des musiciens occidentaux). Même s’il change, et il change en ce moment-même, c’était la seule chose qui existait, et j’étais toujours étonné de voir ça. Quand j’étais gosse et que j’ai regardé le premier concert à la télé, tout ça m’a paru mauvais. Ensuite, le second où il manquait carrément la scène périphérique de la musique africaine, je me suis dit : « assez ! Je vais tenter l’expérience ! ». Et c’est parti de ce moment-là. Parfois vous vous dites que ça ne se passe pas bien et à d’autres moments quelque chose se passe sur la scène où à n’importe quel endroit et il y a une réelle synergie entre deux artistes ou deux styles, qui n’ont jamais cohabité ensemble dans le même espace. Ca parle de tout cela, de la réelle magie de l’inconnu.
Selon toi que peut apporter la musique africaine à la musique occidentale ? Tu penses qu’elle est en mesure de changer les mentalités ?
Oui certainement ! Je pense que c’est le futur de la musique. J’ai toujours vu l’Afrique plus proche du futur que nous voudrions l’accepter. Je me sens dans le futur quand je m’y rends. C’est très enivrant vous savez, quand de temps à autre vous regardez autour de vous et dites « mon dieu ! Il leur manque tellement de ressources.». Nous devrions tous en faire l’expérience, nous-mêmes, nos enfants, et nos petits enfants. Mais si l’on regarde au delà, on voit la résistance, le sens authentique de la communauté qui permettent aux gens de vivre avec tout cela. C’est positif pour le futur, donc on essaie d’articuler les choses. Regarde par exemple l’Afrique : tu réalises qu’il y a une quantité d’énergie positivite incommensurable là-bas, et que le futur n’est pas nécessairement fait d’infinis actes consuméristes.
Avais-tu déjà ce projet en tête à la création de ton label Honest Jon’s ?
Non. C’était avant tout une boutique de disques. Je pense que je l’ai juste déplacée dans un autre cadre, où le magasin devient aussi label de disques. Ca fait partie de la même philosophie d’enthousiasme et de merveilles. C’est une boutique où une fois entré vous voyagez à n’importe quel endroit du monde, et tout est placé au même niveau, il n’y a pas de pop music ou de world music qui soit rejetée. Non, tout est accepté, et je trouve cela beaucoup plus positif que l’idée d’une musique qui ne viendrait pas de notre monde, mais d’un autre monde. C’est tout simplement faux, et un symbole de notre arrogance.
Comment se passe la collaboration entre les musiciens britanniques, américains, et les musiciens africains ?
De la même façon que n’importe qui, vous rencontrez des gens, vous vous relaxer un moment avec eux, vous trouvez des sujets communs, vous suggérez quelque chose et tout le monde avance ensemble, jouent de la musique les uns avec les autres, de la façon dont les enfants jouent ensemble.
Tu leur as demandé de se joindre au projet, ou bien est-ce qu’ils sont venus d’eux-mêmes ?
Et bien certains se sont portés volontaires, et d’autres ont besoin d’être invités, mais généralement on se rend compte que les musiciens sont vraiment ouverts aux idées comme celle-ci. Je pense que mon job, si j’en ai un dans cette organisation, c’est d’essayer de rester en dehors du monde commercial, d’éviter d’être catalogué. C’est difficile, je ne veux pas que ce soit quelque chose de prédéfini, je veux que ça reste constamment surprenant.
De quelle façon penses-tu que la musique africaine influence la musique occidentale ?
Tout est influencé par la musique africaine. Il n’y a qu’une toute petite part de la musique qui ne soit influencée en aucune façon par la musique africaine. Evidemment, toute notre musique est africaine dans ses origines. Point final.
Peux-tu nous parler de la compilation African Express ?
Je n’ai pas eu un rôle majeur dans cette compilation. C’est une initiative personnelle dans laquelle se sont impliqués de nombreuses personnes en choisissant un artiste africain qu’ils kiffent vraiment. C’est très basique. D’accord, tout est vraiment venu naturellement.
Tu m’as parlé du Live Aid, mais en quoi les évènements Africa Express se distinguent de ces concerts ?
Parce que tout le monde est sur le même pied d’égalité, et ça c’est vraiment un grand pas en avant. C’est certain.
D’accord. Maintenant en parlant de quelque chose de totalement différent, penses-tu qu’il y ait un futur pour le groupe Blur ?
Y a-t-il un futur pour Blur ? Ces derniers mois ont été vraiment fantastiques, mais pour le moment, non. Il n’y a pas de futur, c’est fini. C’était génial, mais c’est terminé. Oui, c’était plutôt génial… Il est parfois bon quand quelque chose est génial d’y mettre fin, pendant que c’est encore génial.
Peux-tu me parler un peu de tes autres projets ?
Je suis en train de terminer mon prochain album avec Gorillaz, j’ai un nouvel album qui arrive avec Tony Allen et Flea des Red Hot Chili Peppers, je prévois de faire un ballet l’année prochaine, je suis occupé.
Propos recueillis par Julien Coquet et Charlotte Brochard
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