L’affaire Grégori. Ancienne moitié de Mikado, Czerkinsky réduit l’easy-listening à sa plus sobre et miniature expression. “Je suis Czerkinsky/Et c’est mon nom, ne l’oublie pas/Sinon, tant pis pour toi.” D’entrée de jeu, le voile est levé sur une identité a priori imprononçable mais qu’il va falloir très vite apprendre à réciter par coeur, comme une […]
L’affaire Grégori. Ancienne moitié de Mikado, Czerkinsky réduit l’easy-listening à sa plus sobre et miniature expression.
« Je suis Czerkinsky/Et c’est mon nom, ne l’oublie pas/Sinon, tant pis pour toi. » D’entrée de jeu, le voile est levé sur une identité a priori imprononçable mais qu’il va falloir très vite apprendre à réciter par coeur, comme une litanie obsédante, fût-ce au risque de se décrocher l’arcade zygomatique. Les présentations seraient cependant incomplètes si l’on ne révélait qu’avant d’oeuvrer en solo, Grégori Czerkinsky n’était ni un haut dignitaire du Kremlin ni un transfuge de la guerre froide mais une moitié de Mikado, soit une des rarissimes bonnes raisons (avec Daho) de regretter la French touch du milieu des années 80. Personne n’aura oublié les arias synthétiques du duo, où la nacre et le sel unissaient leurs parfums, ni la précieuse iconographie de Pierre et Gilles qui en rehaussait le kitsch savoureux avant le triste naufrage en (hiver) 1991. Une compilation opportune de Mikado est à paraître, dont le moindre mérite sera d’effacer Lilicub de la mémoire des hommes.
Pour l’heure, le retour de Czerkinsky est d’autant plus jubilatoire qu’il est exempt de toute nostalgie empesée, en dépit de pesantes références. Ce qu’on admire d’abord, c’est l’utilisation fluide de l’easy-listening, injecté à doses homéopathiques, piqué volontairement à côté de la veine comme pour en limiter les effets pervers. Ainsi débarrassé de son complexe Austin Powers la pose, le clinquant, le kitsch outrancier , il redevient un nom commun qu’on ne murmure plus entre deux sas étanches. Sur un sample du Christiansen de France Gall ne riez pas, la nunuche innocente de l’Eurovision 1965 était une des plus sûres ambassadrices de la pop mid-sixties dont il faudra bien un jour réévaluer une élasticité mélodique plus yo-yo que yé-yé , Natacha est beaucoup plus qu’un succès radio programmé. Elle est à la fois la Françoise Dorléac de L’Homme de Rio et des Demoiselles de Rochefort, muse et garce, mante religieuse et fleur bleue, terriblement in et out. Le plus fort dans cette affaire Grégori, c’est qu’on nage dans le home-made (le Studio CZ), le préfabriqué super luxe. A des années-lumière du bricolo rigolo le Dominique A des débuts , Czerkinsky se révèle un authentique sorcier du stéréophonique miniaturisé, mélange Legrand et le petit en de savants composites qu’il restitue avec un étonnant sens du relief. A cet égard, le morceau-titre ou encore Princesse de cire restituent avec une impressionnante acuité les sensations du CinémaScope en 3D, mais sur un écran de quatorze pouces. Dans ce kaléidoscope haut en couleur, on reconnaîtra la patte de quelques amis sûrs venus prêter main forte à l’entreprise Jean-Pierre Ensuque (Autour De Lucie) qui pastiche Instant karma sur Les Sacs en plastic ou Julien Baer dont la présence informelle illumine la tonalité générale de l’album, sensible et retenue. Son nom est Czerkinsky, ne l’oubliez pas.
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