Entre le règne des chevelus bouffeurs d’acide du Golden Gate Park et celui des ermites mélancoliques du Tenderloin, San Francisco se paya son petit prurit punk. Cousins fauchés des X de Los Angeles, les Avengers cisaillaient la branche sur laquelle le rock était perché (Steve Jones, pas encore bouffi, fit mine de les produire le […]
Entre le règne des chevelus bouffeurs d’acide du Golden Gate Park et celui des ermites mélancoliques du Tenderloin, San Francisco se paya son petit prurit punk. Cousins fauchés des X de Los Angeles, les Avengers cisaillaient la branche sur laquelle le rock était perché (Steve Jones, pas encore bouffi, fit mine de les produire le temps d’un maxi) ; leur chanteuse, une pétroleuse nommée Penelope Houston, scandait des slogans studieusement subversifs (The Amerikan in me). Quinze ans plus tard, Penelope refait surface sur un label allemand, Normal. De ses turbulents antécédents, qui ont eu l’immense avantage de la purger de sa rogne adolescente, il ne reste guère de traces. Aux brodequins balourds ont succédé les ballerines ; la transparence ambrée du chant décore de poudre d’or des mélodies pigeonnantes. La harpie s’est payé une harpe, elle en tire des accords aussi lumineux que l’or pâle de ses cheveux. En 1993, The Whole world et son lumineux Sweetheart font tourner quelques têtes. Du coup, une major s’intéresse à elle. Huit chansons figurant sur les premiers albums sont réenregistrées et enrichies de six nouveaux titres, elles forment l’affriolant Cut you. Le folk de Penelope, voyageur et sophistiqué, ne se contente pas de labourer une terre américaine aride. Si Locket est relevé de saveurs tex-mex et si Harry Dean part à la recherche du héros égaré de Paris, Texas, l’album vogue les voiles gonflées par une voix alizéenne, agile, ample et allègre vers la vieille Europe. Cut you y visite l’Angleterre rustique et raffinée des romans de Thackeray et de Fielding, des disques de Fairport Convention et de Pentangle ; la France aussi, celle du Petit Trianon où, la saison des plaisirs venue, les princesses jouaient aux bergères. Le mollet rond et la perruque poudrée, les couplets capiteux dansent courtoisement le menuet, des ingénues libertines badinent avec l’amour (« Elle avait un penchant pour son style de péché »). L’ex-punkette dépoitraillée préfère Barry Lyndon aux Raisins de la colère, luxe, calme et volupté règnent sans partage à l’ombre des mandolines en fleurs. Mais on ne grandit pas impunément dans l’Etat de Charles Manson et du roman Less than zero. Sur le dernier titre, Penelope se glisse dans la peau d’une maniaque du couteau : le folk soyeux avait rarement servi de paravent à une telle férocité.
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