Terre Glaize Patrick Glaize Cuba tierra caliente (Editions Florent Massot) Voulant faire partager son amour pour Cuba par tous les moyens, le photographe Patrick Glaize enrobe ses images de sons et d’odeurs locales. L’envoûtement est total. Cuba est une fusée. Une fois passé la grisante combustion des préliminaires touristiques, les différents étages de l’engin entrent […]
Terre Glaize Patrick Glaize Cuba tierra caliente (Editions Florent Massot)
Voulant faire partager son amour pour Cuba par tous les moyens, le photographe Patrick Glaize enrobe ses images de sons et d’odeurs locales. L’envoûtement est total.
Cuba est une fusée. Une fois passé la grisante combustion des préliminaires touristiques, les différents étages de l’engin entrent l’un après l’autre en action. Il y en a pour tous les sens. Cela part de l’oeil, accapare le nez, envoûte la langue, remonte vers les oreilles et finit par se consumer dans le toucher. Qu’un photographe puisse contempler, renifler, déguster et aimer cette île, quoi de plus normal ?
En ces temps d’énervement généralisé, la tentation est grande d’en convertir l’expérience par la marchandise. Patrick Glaize n’a pourtant pas attendu que le cubanisme ne devienne, après la grippe, la fièvre la plus populaire de l’année. Un premier album consacré aux personnages illustres ou inconnus de La Havane révélait en polychromie une affection vouée à empirer (La Havane, Editions Planète Aurora).
Avec Cuba tierra caliente, le principe est non seulement étendu à toute l’île mais sollicite toutes les perceptions. Souhaitant ne pas produire un autre livre de photos, Glaize s’est attaché à donner à son travail une réalité dépassant le rapport ordinaire qu’entretiennent l’oeil et le sujet.
A la recherche d’une vérité plus incontestable sur le plan photographique car rendue cette fois en noir et blanc , il s’est attaché à convoquer les odeurs, les saveurs et les sons sans lesquels l’envoûtement serait incomplet.
Le texte de Fernando Ortiz livrant de son île une conception culinaire (« Cuba est un ragoût aux piments, un ajiaco« ) participe à cette volonté d’explorer dans leur intimité les dimensions sensorielles d’un univers aux richesses humaines encore préservées d’une vampirisation spectaculaire. Le disque, accroché à l’arrière comme une roue de secours au cul d’une jeep, vient chahuter la muette confession des images. Loin de servir de diffuseur d’ambiance aux intensions faiblement exotiques, il ajoute du grain aux tirages, en augmente la porosité, les rapproche un peu plus de la vie et de l’histoire.
De documents rares (Celia Cruz faisant la pub pour les cigarettes Partagas) en découvertes inédites (l’interview de Benny Moré), ce recueil réconcilie intérêt musicologique et plaisir d’immersion dans la profondeur de ces styles à la suavité d’antan, aux charnelles et subtiles invocations. Si l’on ajoute la cocasserie des contes miniatures signés Reinaldo Escobar, on se dit que l’oeil risque d’être par trop distrait et comme déconcentré.
On peut reprocher au livre un agencement un peu hasardeux, une absence de progression alors qu’il aurait gagné à se mettre en conformité avec le voyage lui-même, avec l’initiation qui y a présidé. Il est possible que l’auteur ait voulu insister sur la nature vagabonde de sa recherche d’une vérité qu’il ne saisit jamais aussi bien que dans le regard de ses personnages. Saisir le regard est toujours une expérience qui forcément conduit à une interrogation sur soi. Les paysages, palmeraies en extase ou ensemble d’immeubles d’une cité sans joie, viennent alors non pas nous soulager de l’humain, mais dissipent quelque peu l’intensité de cette confrontation. Le travail se résume alors à établir l’évidence d’une dignité que ni l’érosion lisible sur les visages âgés ou le trop-plein de sève dont se gorgent ces jeunes corps en démonstration ne peuvent fissurer. Le spectacle n’est jamais vide parce que les acteurs de ce film immobile, coupeurs de canne, brûleurs de charbon, championne du monde d’athlétisme, nous disent quelque chose qui dépasse l’instant saisi. Ils nous parlent du travail, de la souffrance, du plaisir et du rêve mais surtout qu’ils sont entrés en patience comme d’autres en religion, et qu’ils ignorent la résignation.
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