On se défaussera du mot d’entrée, Guy Clark étant bien né tout à l’ouest du Texas, en 1941. De là à en faire l’unique clef des mystères d’une musique fugueuse, voilée par quelques préceptes donnés en pâture aux curieux… “Il faut écrire à propos de ce qu’on connaît. Avec un crayon et une grosse gomme.” […]
On se défaussera du mot d’entrée, Guy Clark étant bien né tout à l’ouest du Texas, en 1941. De là à en faire l’unique clef des mystères d’une musique fugueuse, voilée par quelques préceptes donnés en pâture aux curieux… « Il faut écrire à propos de ce qu’on connaît. Avec un crayon et une grosse gomme. » Opaque, la modestie. Floue, la légende. Guy Clark, songwriter adulé par ses pairs, n’a guère alimenté la rubrique faits divers des gazettes de Nashville ou Austin, ni le mythe du troubadour tragique, qui de Hank Williams à Steve Earle ne cesse d’épater les pieds tendres farauds dans leurs premières santiags. Pas de plus-value morbide : sa musique, pour gorgée d’émotion qu’elle soit, s’interdit le désespoir plombé. Moins immédiatement saisissantes que celles de son mentor Townes Van Zandt, dans lesquelles l’effroi enlace la beauté, ses chansons, superbes de nostalgie, se refusent à prendre le deuil la folie charbonneuse y est bannie, la dinguerie, douce ou amoureuse, y prend allégrement ses aises (Fool on the roof, Fools for each other, Fool in the mirror). A l’inspiration hallucinée, Guy Clark préfère le perfectionnisme intraitable, nourri d’un robuste appétit pour les saveurs d’un terroir où les genres fricotent gaillardement. Se jouant du bon sens et autres camisoles, les trois étonnants albums enfin réédités sur les deux CD de Craftsman (Guy Clark, 1978 ; The South coast of Texas, 1981 ; Better days, 1983) sont d’humeur nomade et gourmande : un refrain cajun y fait du gringue à des harmonies mexicaines (The South coast of Texas), le reggae déboussole le hillbilly (Voilà, an American dream), le ragtime grise le blue-grass (Homegrown tomatoes), JJ Cale chope la danse de Saint-Guy (Who do you think you are) et le Don’t take it too bad de Townes Van Zandt est revigoré par un voluptueux piano tout droit sorti des splendeurs enregistrées à Muscle Shoals par Aretha Franklin. Réjouissant cuménisme, qui jamais ne vire au salmigondis. La miraculeuse marquetterie des chansons de Guy Clark donne à l’argot des roadhouses et des rodéos des grâces que l’académie ignore. Ici, le moindre boogie a une élégance de menuet. Paroles ciselées, mélodies aérées, ces chansons ont fait de belles carrières, mais chantées par des professionnels de la profession. Le fumet déroutant des disques de Guy Clark a toujours laissé froids ceux qui n’attendent des musiques du Texas et du Tennessee que de rassurantes rations de primitivisme pasteurisé, fatalement rebutés par les malicieuses équivoques d’Uncertain Texas.
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