Douces et vénéneuses alternatives au vacarme : Cours Lapin et The School, deux groupes très européens.
Tout ça, c’est la faute des Disques du Crépuscule, label bruxellois qui, avec d’autres téméraires esthètes des années 80 (El Records, notamment), envisagèrent l’Europe comme une utopie pop – une upopie ? Dans ce fantasme, l’euphorie des BO de Demy, le music-hall anglais, les productions de Joe Meek, les bossas Rive Gauche, les mélodies des Kinks ou des Zombies, la gravité de Brel ou l’insouciance de Françoise Hardy alimentaient un vaste jeu de pistes, plus proche des Jeux sans frontières que de l’Eurovision.
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C’est précisément cette illusion de clarté, de flegme, de flair que ressuscite aujourd’hui The School, groupe gallois signé par un label espagnol. The School, sans la moindre retenue, est old-school : ses trompettes joyeuses, son innocence extrémiste, ses choeurs divins, sa soul-pop illuminée de l’intérieur, ses mélodies pur sucre, ses chansons en jupettes à pois n’appartiennent pas à 2010. Elles repeignent en rose le mur du son de Spector, donnent envie de battre béatement le rythme de ses mains, en dodelinant la tête comme si l’on portait la choucroute des Supremes, des Shirelles…
Et si, sans frasques et sans frusques – sans Amy Winehouse, sans Eli Paperboy Reed, donc –, l’album de soul-pop le plus sincère et touchant de l’époque venait de Galles via l’Espagne ? On répondra par une autre question : et si l’album de pop française le plus émouvant des années 60 venait de 2010 et de Hovedstaden, au Danemark ? Le groupe s’appelle Cours Lapin, et il est chaud ! Louise Alenius, la chanteuse, avait travaillé avec Biolay sur la BO de Clara et moi. Elle revient en groupe économe mais dérangé, pour visiter un Paris fantasmagorique où Barbara serait mise en son par Danny Elfman, où Vanessa Paradis tournerait chez Lynch.
Susurré en français, Cours Lapin ne cavale pas bien vite. Il y a même un titre qui s’appelle Les Sons des escargots : c’est dire la lenteur, la suavité de ces chansons étales et spleeniennes, qui bouleversent et troublent les frontières avec la même force tranquille que les ritournelles rieuses de The School. C’était bien, l’Europe.
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