C’est drôle, quand on y repense, d’avoir pendant toutes ces années où Pulp n’intéressait que les bacs des soldeurs soupçonné Jarvis Cocker d’être un Scott Walker pour notre génération. On aimait colporter les rumeurs selon lesquelles il était fou, paralysé, à lutter contre son génie malade dans une chambrette de Sheffield. On le […]
C’est drôle, quand on y repense, d’avoir pendant toutes ces années où Pulp n’intéressait que les bacs des soldeurs soupçonné Jarvis Cocker d’être un Scott Walker pour notre génération. On aimait colporter les rumeurs selon lesquelles il était fou, paralysé, à lutter contre son génie malade dans une chambrette de Sheffield. On le plaçait sans hésiter dans la catégorie des grands songwriters ces ennemis jurés du strass des pop-stars condamnés à l’excellence mais, par-là même, à l’anonymat, à une vie de chien. On écoutait religieusement ces toujours terrifiants Dogs are everywhere, Don’t you know ou le classique Little girl (with blue eyes) en pestant contre l’injustice de ce monde qui interdit à de tels paroliers, à de tels mélodistes, l’accès de Top of The Pops. Colère vaine, depuis qu’on savait que l’Angleterre n’avait que peu à faire de ses grandes plumes, de ses glorieux solitaires. Car alors, nous n’avions pas rencontré Jarvis Cocker, ne le matérialisant qu’à l’aune de ses chansons : il serait donc introverti, malade, pervers, brillant mais bousillé par une absence de reconnaissance en forme d’erreur judiciaire on s’imaginait même une sorte de Syd Barrett, effrayé par les projecteurs, enfoncé dans un petit monde ayant cessé le dialogue avec celui des hommes. On est con, parfois. Et puis Pulp sortit, au printemps 91, un single atterri de nulle part alors qu’on était certain que le groupe avait jeté l’éponge depuis des années déjà. My legendary girlfriend, premier pas de Pulp vers l’électronique, vers la gloire. Tout le génie lyrique de cet auteur ahurissant, mais habillé moderne : Jarvis Cocker ne portait plus des vestes de mouton retourné, mais du velours mauve. C’est alors qu’on le rencontra pour la première fois : face à l’époustouflante malice et au charisme ravageur de Jarvis Cocker, on ravala nos certitudes niaises. Cet homme ne pouvait se contenter de l’ombre, trop étroite pour une personnalité aussi colorée. Qu’il devienne un jour une star crevait, immédiatement, les yeux : tout ne serait alors qu’une question de calendrier. Un calendrier aveugle et sourd, qui fit subir à Pulp ces dix ans de vaches maigres (folles), résumés sur ce double CD. Période bénie, même si bêtement reniée par le groupe aujourd’hui, où toute l’extravagance du Pulp triomphant de Different class est déjà flagrante les épines et les crevasses en plus, la raison et les recettes en moins.
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