Protagoniste discret mais important de la scène électronique française installé à Berlin, Cosmo Vitelli se révèle toujours au top de sa créativité.
Auteur de plusieurs maxis et d’un premier album (Vidéo) parus entre 1996 et 2000 chez Solid, l’un des labels phares de la French Touch, Cosmo Vitelli – impeccable nom de scène emprunté au personnage principal de Meurtre d’un bookmaker chinois de John Cassavetes – a inévitablement été affilié à ladite French Touch, alors en plein boom. Même si ses morceaux de l’époque, alliant hédonisme et éclectisme (avec un penchant privilégié pour la house), peuvent s’y rattacher, il ne s’est pourtant jamais senti membre de cette famille ni d’aucune autre.
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Discret et exigeant, Benjamin Boguet va nettement affirmer son indépendance et s’affranchir de l’industrie de la musique après son second lp (Clean, 2003) en lançant son propre label, I’m a Cliché, en 2004. On y trouve ses productions – en solo ou au sein du duo Bot’Ox, formé avec Julien Briffaz – aussi bien que celles d’autres artistes comme Red Axes, Yuksek ou Jonathan Kusuma. Dans tous les domaines de son activité (producteur, DJ ou gérant de label), il avance à son rythme et n’obéit qu’à la loi du désir.
Une nouvelle impulsion musicale à Berlin
“Selon moi, l’idée de carrière n’a pas de sens, affirme Cosmo Vitelli. Je ne planifie rien à long terme, je suis toujours en train de me lancer dans de nouvelles aventures. Le simple fait de pouvoir vivre de ma musique depuis vingt-cinq ans, sans concessions, me donne le sentiment d’être un privilégié. J’ai une liberté totale dans la pratique de ma musique : c’est de loin ce qui compte le plus, bien plus que la notoriété. A l’époque où j’étais plus exposé, j’étais mal à l’aise. Je suis beaucoup plus heureux maintenant.”
Ce sentiment de mieux-être résulte aussi d’un changement de cadre de vie. Ayant quitté l’Hexagone, le musicien français est installé depuis 2015 à Berlin. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la capitale allemande ne l’a pas attiré spécialement à cause de sa fameuse scène électronique mais elle lui a néanmoins redonné une impulsion au niveau musical. “J’avais surtout envie de partir de Paris, j’aurais pu aller presque n’importe où ailleurs, raconte Cosmo Vitelli. A Berlin, j’ai retrouvé une forme d’excitation par rapport à la musique. J’y ai notamment redécouvert le plaisir de sortir, d’aller écouter de la musique dans les clubs.”
“Il y a une vraie place pour les musiciens détachés vis-à-vis des exigences du marché : ça favorise des productions plus personnelles, hors des codes du moment.”
“Pour un DJ, le degré d’exigence est tel ici qu’il oblige à faire beaucoup plus d’efforts, à rechercher davantage de musique. Il y a une grande émulation, très positive. Je me sens nettement plus à l’aise au quotidien dans mon activité de musicien. L’environnement est à la fois plus léger et plus stimulant. Il y a une vraie place pour les musiciens détachés vis-à-vis des exigences du marché : ça favorise des productions plus personnelles, hors des codes du moment.”
Depuis qu’il est à Berlin, il se montre particulièrement productif. Il a d’abord réalisé deux maxis de quatre titres chacun, Last Train to Marzahn (2016) et Cosmo Vitelli (2017). Tous deux édités sur son propre label, ils distillent une musique subtilement grisante, quelque part entre electro et house, loin de l’ordinaire mixture de club. Il a ensuite fait paraître en octobre 2018 Special Delivery Vol. 4 – A Collection of Dysfunctional Edits, un florilège d’edits, réappropriations de morceaux déjà existants, inconnus ou oubliés.
Aucun dancefloor ne semble pouvoir lui résister bien longtemps
Pratiqué par nombre de DJ afin d’apporter de la matière originale à leurs sets, cet exercice est devenu une grande spécialité de Cosmo Vitelli, qui lui consacre même un espace spécifique, Edit Service, au sein de son label. “Travailler à partir de la musique des autres pour en faire quelque chose de différent est à la fois jubilatoire et décomplexant”, confie-t-il à ce propos.
Dans la foulée de cet album d’edits, il a enregistré une douzaine de nouveaux morceaux originaux sur une courte période de temps. De cette session intensive résulte d’abord un double ep, Holiday in Panikstrasse, qui paraît chez Malka Tuti, l’excellent label tenu par le binôme Asaf Samuel et Katzele, deux musiciens israéliens eux aussi installés à Berlin. Parue en juin dernier, la première partie du ep contient quatre morceaux tendant vers une forme de krautdisco, sensuelle en diable.
Aucun dancefloor ne semble pouvoir résister bien longtemps face à Groupe Surdose, Die Alraune et Kuldip, mus par une redoutable dynamique rythmique et nimbés d’un léger halo psychédélique. La seconde partie du ep arrive en ce mois de décembre et délivre également quatre morceaux, creusant un même sillon savamment ensorcelant. Se détache en particulier He Just Wanted to Hang Out with the DJs, dont on voudrait voir les huit minutes se prolonger encore et encore, et Party Old Boy, qui sonne comme la BO d’une errance au bout de la nuit.
Entre les deux parties d’Holiday in Panikstrasse s’est intercalé, en septembre, l’ep Un épisode psychotique, paru chez Les Disques de la Mort, le label d’Ivan Smagghe. “Nous nous connaissons depuis longtemps, nous sommes très proches et Ivan a été vraiment de bon conseil au moment de finaliser les morceaux, explique Cosmo Vitelli. Dans le cadre d’une collaboration avec un label, c’est essentiel pour moi d’échanger avec quelqu’un dont j’estime la vision et le discours. Ivan sait très bien faire de la direction artistique, je lui fais confiance.”
Le morceau qui donne son titre au ep et The Shy Dictator sont deux parfaites petites bombes électroniques, idéalement vrillées. Se produisant par ailleurs régulièrement comme DJ et coanimant avec DJ Sundae l’émission mensuelle No Weapon Is Absolut sur NTS, Cosmo Vitelli – qui dispose depuis plusieurs mois d’un home-studio – semble actuellement au maximum de sa créativité. Vivement la suite.
ep Holiday in Panikstrasse Part 1 & Part 2 (Malka Tuti), Un épisode psychotique (Les Disques de la Mort)
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