Sophistiquée et pourtant rustique, la musique de Grant Lee Buffalo a su vieillir avec une dignité époustouflante. Ça avait commencé comme un conte de fées. La fable d’une minuscule fanfare de sans-grades, adoubée par Sa Majesté Michael Stipe et propulsée jusqu’en haut des palmarès par la grâce d’une chanson poisseuse comme un jour de canicule. […]
Sophistiquée et pourtant rustique, la musique de Grant Lee Buffalo a su vieillir avec une dignité époustouflante.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Ça avait commencé comme un conte de fées. La fable d’une minuscule fanfare de sans-grades, adoubée par Sa Majesté Michael Stipe et propulsée jusqu’en haut des palmarès par la grâce d’une chanson poisseuse comme un jour de canicule. Fuzzy, un tube aussi précieux qu’incongru, une de ces météorites amies qui ravagent cycliquement les charts et qui redonnent un semblant de foi dans le genre humain. Avec Grant Lee Buffalo, c’était comme si la frange maudite de nos amours de jeunesse californiennes, tous ces pauvres losers d’un Paisley Underground exsangue Dream Syndicate, Rain Parade, Game Theory prenaient une revanche post mortem sur une destinée implacable. Ça aurait donc dû se conclure à la façon d’un cauchemar. C’est que la musique de Grant Lee Phillips et de ses deux partenaires, ce folk-rock ébouriffé, intense mais un brin chétif et paradoxalement menacé à chaque couplet de dérive incontrôlée vers le lyrisme le plus rococo , semblait, à terme, condamné à se cogner aux quatre coins de chansons aux limites terriblement exiguës. Le genre de groupe qui s’échoue fatalement au cimetière des éléphants ou qui regarde, à quai, s’en aller le train de ses ambitions abjurées, de son inspiration tarie, de son honneur perdu. Pourtant, Grant Lee Buffalo n’a pas voulu de ce scénario catastrophe : trop fier, trop déterminé, trop intelligent. Il y a chez ce groupe autarcique, véritablement indépendant, une conscience aiguë de ses limites, alliée à une volonté farouche de les transcender. Ainsi, Grant Lee Phillips, ça saute aux oreilles, n’est pas un songwriter d’exception. Mais chez certains, le travail et les trouvailles priment sur le don. Copperopolis repose d’abord sur la production androgène et grand format du bassiste Paul Kimble, qui dilate à l’infini des chansons envoûtées, mélancoliques (Phillips est lui aussi passé par San Francisco), satinées, formidables dévoreuses d’espace. Ici, pas de refrains en forme d’uppercut ravageur mais des morceaux qui travaillent au corps, qui terrassent à l’usure, qui s’immiscent. Un folk long en bouche (Hyperion & sunset), une soul à combustion lente (Bethleham steel), une country sans fond, sans plafond (Armchair). Une musique mature et majeure, qui réussit l’exploit rare de marier sophistication et authenticité, luxe et sueur, habit de lumière et cal aux doigts, sans jamais paraître pompeuse ou nouveau riche. L’heureuse issue d’une histoire dépourvue de fin.
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}