Enregistré à Berlin, ce concerto de Rachmaninov déploie son orageuse liberté sous l’emprise du pianiste Arcadi Volodos. De Berlin à Barcelone (Paris est allégrement oublié), Arcadi Volodos se produit en compagnie de différents chefs et, au fond, cela importe peu. Comme il le confesse avec humilité, il tente d’abord de se glisser entre les grappes […]
Enregistré à Berlin, ce concerto de Rachmaninov déploie son orageuse liberté sous l’emprise du pianiste Arcadi Volodos.
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De Berlin à Barcelone (Paris est allégrement oublié), Arcadi Volodos se produit en compagnie de différents chefs et, au fond, cela importe peu. Comme il le confesse avec humilité, il tente d’abord de se glisser entre les grappes d’accords écrites par Rachmaninov pour divulguer le fond de sa pensée. Devenu, en peu de temps, l’un de ses meilleurs interprètes, il a franchi avec succès les différentes haies : Variations Paganini, 2e Concerto, 3e Concerto, le répertoire pour piano seul.
Ecouter Volodos en concert est un bonheur rare ; on en ressort bouleversé, tant la palette d’émotions est restituée dans sa totalité. Un enregistrement effectué en live est finalement aussi réducteur que peut l’être un travail en studio : il fixe un état donné alors qu’aucune interprétation ne ressemble à la suivante. Heureusement, l’album réalisé à Berlin préserve intacte l’authenticité d’un message souvent réduit à la larmoyance. Une heure de musique qui grave la confession intérieure et exaltée d’un compositeur qui a trouvé là un interprète inné, des années après l’aventure extraterrestre d’un Vladimir Horowitz et celle de Rachmaninov lui-même.
Depuis leur création, les 2e et 3e Concertos pour piano ont valeur de points de repères humains et identitaires ; ils ont servi de faire-valoir à des générations de pianistes gymnastes qui, pour beaucoup, ont raté leur réception, incapables de tenir les rênes de ces créatures indomptables. Le 3e Concerto qui fait déborder les effusions romantiques et les proportions du raisonnable nécessite autant une maîtrise des contrastes, un jeu gracile et furieux, qu’une force intérieure explosant lentement dans le finale.
Arcadi Volodos, qui a tout du physique d’un athlète soulevant de la fonte, aborde son épreuve avec humilité, prisonnier de ce thème timide qui ne prend pas son envol. Il ne quitte pas son clavier-guidon des yeux. Mais le pianiste-démiurge étale peu à peu sa puissance, il solidifie sa musculature avec le soutien du chef (sur le disque, un James Levine convaincant). Volodos se tourne vers l’orchestre pour tester son répondant avant de sortir une cadence phénoménale. Et quand, au terme d’un superbe adagio rempli de spasmes difficilement contenus, il lance le sprint final, c’est avec la concentration qui anime le coureur au sortir du virage ; le discours va buter sur une conclusion surhumaine, ultime poussée d’adrénaline. L’athlète peut alors s’incliner, les veines en feu, vers le public reconnaissant.
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