Après la sortie d’un premier ep cet été, le duo confirme l’excitation qu’il suscite avec son passage aux Transmusicales de Rennes. Rencontre dans l’intimité de leur studio parisien.
Pour accéder au studio de Tshegue, il faut passer par le parking souterrain d’un grand immeuble résidentiel du XXe arrondissement de Paris. Il faut le traverser puis passer une porte, puis un couloir, puis une autre porte, puis un autre couloir. C’est Nicolas Dacunha, aka Dakou, qui nous ouvre en attendant l’arrivée de Faty Sy Savanet, l’autre moitié du groupe. L’endroit est comme un petit terrier enfoui au milieu du béton. Les membres de Tshegue s’y retrouvent pour jouer, improviser, bricoler leurs prochains morceaux, suite d’un premier ep paru cet été.
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Afropunk ? oui, mais
Avec lui, on a découvert un son brut et excité, inspiré du rock mais habité par certaines traditions musicales venues du Congo, où est née Faty. D’où le mot qu’on retrouve désormais partout pour qualifier la musique de Tshegue : afropunk.
“Pourquoi pas, lâche Faty. Sauf qu’‘afropunk’, ça fait un peu ‘noir qui se rebelle’, ou ‘noir qui fait du rock’… Je ne me sens appartenir à rien de spécial musicalement, surtout si on y colle un marqueur de mon identité personnelle.”
Dakou renchérit : “Si on décide d’être OK avec ce mot, il se passe quoi si demain on veut faire un morceau trap, par exemple ?” Une judicieuse question à laquelle les deux Parisiens répondent en relâchant la pression sur les formats et les attentes.
Tshegue a quelques concerts prévus dans les prochains jours et mois (dont un, assez symbolique pour un jeune groupe, aux Transmusicales de Rennes), mais le reste est encore assez flou. Pour l’instant, ils se contentent de bosser dans ce studio aménagé par Dakou, en attendant de voir si le résultat se rapproche plutôt d’un ep, plutôt d’un album ou plutôt d’autre chose. Faty revendique également cette façon de prendre son temps. “Notre musique est tellement dans l’énergie et l’instinct qu’on ne peut pas trop prévoir les choses, analyse-t-elle. Si on perd cette liberté, on perd l’essence du projet.”
Le groupe ne s’appelle d’ailleurs pas Tshegue pour rien. Faty explique comment le mot peut désigner les gosses des rues de Kinshasa, qui traînent et font parfois des conneries, parfois de la musique. Ou les deux. Tshegue est aussi le surnom de Faty dans sa famille, signe d’une énergie pas vraiment née d’hier.
« Une vraie rencontre »
Cette énergie, Faty a eu le temps de l’employer avant même l’invention de Tshegue, il y a de ça quatre ans. Les habitués de L’Embuscade, troquet spécialisé dans le rhum où travaille Faty à Pigalle, connaissent les capacités de cette dernière pour ce qui est d’ambiancer un lieu. Quant aux autres, ils ont pu les découvrir lors de la dernière édition du festival We Love Green, où, à la surprise générale, la plus petite scène a donné lieu à un moment de transe et de joie assez dingue. Les présentations furent faites.
Avant Tshegue, Faty avait déjà testé la scène avec Jaguar. C’est d’ailleurs un des musiciens de ce groupe qui, un jour, lui présente Dakou. Celui-ci accompagne alors d’autres musiciens en tournée. Des trucs de variet, de rap. Beaucoup de musiques latines, aussi – Dakou est spécialisé dans les percussions. Et puis le déclic a lieu. “Ça a été une vraie rencontre, à la fois musicale et humaine, se souvient Faty. Il y a un langage commun entre nous. Et le hasard a bien fait les choses : je voulais monter un projet basé sur les percussions, et bam, je rencontre Dakou.” Alignement des planètes. “On a tout de suite matché, confirme Dakou. On a la même culture du voyage et le même feeling quand on pense la musique.”
Il ne leur reste plus qu’à transformer l’essai ici, dans leur studio en forme de planque antiatomique. Car si la scène semble être une science naturelle pour eux, l’écriture et l’enregistrement n’ont pas l’air de coller tout à fait à leurs envies de liberté. Ils racontent les nuits passées à improviser, à essayer, à inventer ce que pourra devenir Tshegue dans les prochains mois. Une seule chose est sûre : Faty rêve d’aller jouer à Kinshasa, où elle n’est jamais retournée. “J’attendais d’être bien, dit-elle, et d’y retourner en ayant quelque chose à apporter.” Ce quelque chose, ce sera Tshegue.
Maxime de Abreu
Concert le 9 décembre à Rennes (Festival Transmusicales), et le 15 à Paris (Hasard Ludique)
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