Dimanche 17 et lundi 18 novembre, Antoine Valentinelli alias Lomepal investissait Bercy (AccorHotel Arena), pour deux soirées à guichets fermés. On y était, on vous raconte.
Le déplacement aurait pu n’avoir qu’une visée sociologique. Il fait toujours bon traîner du côté de Bercy les soirs de gros concerts de stars de moins de 30 ans pour évaluer à quoi ressemble la jeunesse d’aujourd’hui. Celle de Lomepal est plutôt low profile, jeans, baskets, chevilles à l’air pour braver le froid glacial. Elle ressemble un peu à son idole finalement, en t-shirt blanc étincelant, jean et veste bleue, les cheveux noués en queue-de-cheval dans la nuque, faussement négligée, enfin pourquoi écrit-on faussement, il s’agit peut-être d’un vrai négligé. Lomepal n’a rien du rappeur bling-bling comme on l’appelait au mitan des années 2000, à l’époque où 50 Cent nous donnait envie d’aller à la salle (ou de porter des strings).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Désir de vengeance
À 27 ans, il traîne toujours sa dégaine de post-ado mélancolique, presque emo à force de chanter sa tristesse avec un premier degré qui pourrait nous faire ressentir le pire des malaises s’il n’y avait son indéniable talent. Un phrasé à lui, des textes à lui, des mélodies à lui. Lomepal a inventé son monde, à lui. Lomepal c’est l’ancien outsider, le loser, même. Étonnamment, il ne l’a jamais caché. Alors qu’on l’appelait deux jours avant sa première date à Bercy pour lui demander de nous retracer ses années 2010 pour notre numéro spécial (en kiosques demain), Antoine Valentinelli revenait sur son premier featuring avec Nekfeu, À la trappe, “un travail non maîtrisé. ““On me mettait en lumière en étant mauvais “lâchait-il carrément, “ça m’a donné le désir de me venger, de prouver que je pouvais être encore plus fort. »
Comme si Sysiphe parvenait ENFIN à ramener son rocher en haut de la colline, Lomepal fait sienne la décennie 2010. Et s’il ne sait pas bien rapper, ce qu’il avoue lui-même, il se fera chanteur. Lomepal est donc ce rappeur qui chante plus qu’il ne rappe, avec son style à lui. Ça donne le très beau refrain de Plus de larmes (« plus de larmes dans le corps/plus de larmes dans la machine. “) Franchement, au risque de passer pour une fan de 14 ans d’âge émotionnel, l’entendre résonner dans Bercy aurait presque pu nous coller des larmes dans le corps à nous aussi. Ça donne aussi l’horrible Regarde-moi, sa rythmique de supermarché, son texte bébête. Franchement, dur de l’écouter en entier.
Rentrons dans Bercy. “T’étais placée où ? “ C’est vrai que ça change tout. Gradin 0, rang 11, nickel. Il ne se passe pourtant pas grand-chose. Trêve d’ostentatoire, Lomepal appartient à la génération qui dénonce (à raison) les fourrures de vison, la cruauté des abattoirs, la consommation à tout va et tutti quanti. Bercy se fera donc dans la sobriété. Après un bref solo de batterie l’air de dire qu’on joue en live là, Lomepal commence assis. Et s’assiéra régulièrement, l’air parfois franchement crevé. Il y a de quoi aussi. Malgré le décalage son-écran (mais quel dommage), on voit bien que ce n’est pas du playback ! Il se donne Antoine. Accompagné de son backeur Yassine, il aligne les morceaux comme autant de tubes, des plus rappés des débuts (Lucy) au très chanté (Le vrai moi).
La fosse s’excite un peu, mais rien de comparable avec ce que l’on a vu du show de Jul (en vidéos). Il faut dire que les morceaux sont des tubes calmes, la tristesse ronge les entrailles, Ambroise Willaume alias Sage fait frémir son clavier, les boules grossissent dans les gorges.
Sur Évidemment, Lomepal parle de notoriété, de solitude, de son rapport aux fans, de son envie qu’on l’aime, de ses manques, du fait qu’il a très fort envie de « briller comme l’or » après avoir passé « sa vie invisible comme l’air. » Dit comme ça, c’est niais n’est-ce pas ? Dit par Lomepal, c’est troublant de sincérité. Le mec se met à nu, cash, dans toute sa pathétique vulnérabilité d’être humain, avec sa honte d’avoir envie d’être aimé, reconnu par ses pairs, adulé même. Il a de la chance, une forêt de téléphones scintille en face de lui, dans le noir. De la même façon que J-Lo nous assurait ne jamais avoir changé, être toujours la même « Jenny from the block “, Lomepal nous bassine avec ses pieds sur terre, envoyant même le fidèle Caballero narrer ses débuts de galère dans une étrange vidéo 3D sans grand intérêt (pour qu’une histoire fonctionne, il faut des détails, de la précision, sinon ça ne marche pas). Comme s’il voulait nous prouver sa normalité, alors même que tous ses morceaux ne parlent que de l’impossible normalité, de la case dans laquelle on ne parvient pas à rentrer, confiant la maladie mentale de sa grand-mère qui offre d’ailleurs son prénom, Jeannine, à son deuxième album.
Quand Orelsan se ramène
Lomepal fait une incursion dans le public, accueille Orelsan sur La Vérité, le tacle gentiment pour ne pas avoir écouté la réédition de Jeannine baptisée Amina, invite Roméo Elvis sur un rappel de 1000°. Dommage, vraiment, qu’il n’y ait pas eu de surprise plus surprenante comme Philippe Katerine, par exemple. Mais l’essentiel est peut-être déjà là, non pas dans l’esbroufe mais dans l’invitation que nous tend Lomepal à concentrer notre attention sur ses textes. C’est eux, finalement, que l’on est venu célébrer, déclamer. Torse nu, les yeux vidés, Lomepal se casse de scène avec sa bande de potes. “Là j’aspire à ne plus avoir de projets, à faire un break. J’ai envie de voyager tout seul. J’ai peur de la solitude mais je vais le faire quand même. Je vais laisser mon portable », nous assurait-il lors de notre dernier entretien. Espérons qu’il ne reste pas absent trop longtemps.
{"type":"Banniere-Basse"}