Ces rassemblements à taille humaine nourrissent l’actualité culturelle de l’été, s’imposent dans toutes les régions de France et parviennent à créer de véritables communautés. Coup de projecteur sur cette alternative à l’expérience musicale de masse.
Les baleapopers, les birdies, les sauvages : chaque petit festival a sa manière de baptiser ses visiteurs. Un moyen de marteler une forme d’appartenance à une communauté, à une tribu même, de festivaliers venus partager deux ou trois jours de détox musicale en pleine nature, dans des événements à taille humaine. Ces mini-festivals se définissent avant tout par l’expérience qu’ils proposent. Ils n’entrent pas dans la course à la tête d’affiche et préfèrent se présenter comme des défricheurs. L’expérience justement, passe par la gastronomie et des activités qui vont de la pétanque à la balade dans le village du coin.
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Leur force, un nombre restreint de festivaliers, souvent autour de 2 000 par jour, mais aussi des équipes organisatrices bénévoles, qui préfèrent s’éviter les pressions financières. En France, en 2015, on recensait 258 gros festivals, 880 de taille moyenne et 702 petits selon une étude réalisée par le CNV, l’Irma et la Sacem. Depuis 10 ans, ces événements se multiplient en France et reposent sur des bases communautaires, collaboratives et sur l’exploitation des richesses régionales.
– BALEAPOP, du 24 au 28 août à Saint-Jean-de-Luz
Baleapop se classe dans les pionniers des mini-festivals. Le projet commence il y a 8 ans pour ses organisateurs qui après avoir couru dans toute l’Europe pour découvrir le format festival, décident de prolonger l’expérience au Pays basque. Ils se connaissent depuis leurs 14 ans et ont fait le double pari de mettre sur pied un événement de musique et d’art contemporain.
« Depuis trois ans, on fabrique des bracelets en tissu, on avait vu ça au festival Benicàssim, c’est génial pare que maintenant il y a chaque année une dizaine de festivaliers qui se pointent à l’entrée avec tous les bracelets au poignet. Une manière de dire, « je fais partie de ce camp-là, je fais partie de cette tribu. Les nouveaux festivals, c’est un peu les tribus revisitées. Ce n’est pas le cas des grands festivals. » Jeanne Boulart, directrice du festival Baleapop.
– HEART OF GLASS, HEART OF GOLD, du 9 au 11 septembre à Saint-Amans-des-Cots
Le festival a tout du camp d’été. Piscine, ping-pong, pétanque. Il est né sur un coup de tête, au cœur de l’Aveyron, avec l’envie de laisser libre ses visiteurs. Lui aussi, sous la coupe d’une équipe bénévole, se veut petit, pertinent et indépendant.
« Les grands festivals ont des puissances de feu, des machines derrière eux, des financements, des objectifs qui ne sont pas les nôtres. Ils sont très importants pour nourrir toute la filière et ses professionnels, mais nous ne jouons pas dans la même catégorie. Nous, on fait tout à la passion et à la main. Nous faisons un festival pour les festivaliers. Nous sommes entièrement tournés vers eux. » Melville, directeur/fondateur du festival HOG HOG.
https://www.youtube.com/watch?v=SGN9kgq6iXU
– HELLO BIRDS, du 8 au 10 juillet à Etretat
L’histoire ressemble à celle des Vieilles Charrues, une bande d’amis qui avaient pour habitude de célébrer ensemble leur anniversaire à Étretat en Normandie. Ils étaient 10 et sont maintenant plus de 2 000 à se réunir pour le festival Hello Birds, quatre ans d’âge. Un projet qui se dit transversal et déambulatoire, avec des concerts venant s’intercaler entre balades et expériences culinaires.
« Je pense qu’il y a quelque chose de structurel, tu peux l’appliquer au monde de la musique et des festivals, comme tu peux l’appliquer au monde de la grande distribution. Aujourd’hui les gens sont de plus en plus intéressés par les produits locaux, les produits qui ont une histoire, les produits qui sont un peu moins mainstream. La tendance actuelle est d’aller vers une sorte de curiosité générale. Donc si ils peuvent tester quelque chose de plus confiné, les gens vont le faire. Il y aura toujours un public pour les grands festivals parce que le rapport qualité/prix est quand même excellent pour les gens qui veulent voir des artistes en particulier. Tous les gens qui sont en recherche d’authenticité et de choses un peu différentes ont intérêt à aller dans les petits festivals », Emmanuel, fondateur du festival Hello Birds.
– MACKI MUSIC FESTIVAL, du 1 au 3 juillet à Carrières-Sur-Seine
Né de la rencontre entre Cracki Records et La Mamie’s, Le Macki Music Festival fait depuis trois ans ses armes aux portes de Paris (à Carrières-sur-Seine plus exactement) le premier weekend de juillet. Au programme ? Une multitude d’artistes pour pas moins de styles musicaux, mais pas que : au Macki Music Festival, on peut également se marier dans une petite chapelle construite pour l’occasion par exemple. Allier musique et divertissement sans que le premier cannibalise le second, tel est le pari gagnant d’un festival qui ne cesse de faire parler de lui depuis sa création, et dont la dernière édition (ayant eu lieu la semaine dernière) a une nouvelle fois été couronnée de succès.
« On essaie de faire quelque chose d’assez défricheur, qui présente de nouveaux talents. On ne fait pas de programmation stratégique pour ramener du monde, on essaie d’être cohérent. C’est aussi un festival à taille humaine, on n’a pas envie de ressembler à une grosse machine dans laquelle on perd ses amis en 5 min et on arrive pas à se retrouver, c’est pas notre but. Je pense qu’on ne bookera jamais un artiste qui nous plait pas, qu’on n’assume pas. On sera toujours fidèles à nos goûts et on n’essaiera jamais de programmer quelqu’un pour plaire ou ramener plus de gens. » Donatien, l’un des fondateurs de Cracki Records et du festival.
– VIE SAUVAGE, du 8 au 12 juin à Bourg
Imaginé pour éviter le fameux combo du festival « musique, bière, dodo », Vie Sauvage propose une expérience inédite au cœur d’un petit village girondin en début de mois de juin. Musiques actuelles certes, mais aussi installations numériques, gastronomie, architecture, spectacle vivant et même œnologie… Tout y est mis en œuvre pour contrer la malbouffe et l’organisation parfois approximative des grands festivals, sans pour autant négliger la programmation musicale puisque Vie Sauvage défriche les talents (dont une grande partie de la nouvelle scène française) de demain. Un seul souhait : satisfaire le public sur tous les plans quitte à ne jamais devenir le premier festival de France.
« Nous ne désirons pas succomber aux sirènes du plus grand nombre de places vendues mais préférons travailler des lieux magnifiques, assurer une bonne restauration de produits locaux pour tout le monde, accueillir parents et enfants… Les festivaliers ont libre choix. Si ils décident de se tourner vers des gros festivals où le public se retrouvent loin de la scène, où les gens se perdent à cause de la foule, où les files d’attente sont interminables, où on est obligés de rester debout 8h de suite, où la programmation musicale est la même que celles des SMACS à l’année et que celle d’un autre gros festival voisin…c’est leur libre choix. Les autres qui ne veulent pas faire la queue, qui désirent amener leurs enfants, qui désirent goûter la gastronomie locale, qui désirent découvrir des groupes et être proche de la scène se tournent plutôt en effet vers un circuit de festival à taille humaine ». Guillaume Dupeyron, directeur artistique du festival.
– VISIONS, du 5 au 7 août à Plougonvelin
Si Visions existe déjà depuis quatre ans, c’est à la base un festival né « par hasard » nous confie l’un de ses créateurs, Guillaume, des Disquaires Anonymes. Aboutissement d’un débat interne, l’événement propose aujourd’hui une programmation riche, s’étalant sur trois jours au cœur de la Bretagne. Prévu cette année dans un lieu idyllique (déménagé pour l’occasion au magnifique site du Fort de Bertheaume), Visions se focalise sur des univers musicaux parfois méconnus, toujours éclectiques. Favoriser la découverte à la tête d’affiche mainstream, tel est le mantra du jeune festival, parfait pour ouvrir le mois d’août.
« On trouve toujours plus pointu, plus exigeant, plus intransigeant que soi, on essaye de ne pas s’aventurer dans cette direction-là. La formule Visions, s’il en est une, c’est plutôt un dosage entre une jauge à taille humaine, une programmation pointue mais iconoclaste, l’ouverture sur d’autres disciplines (cinéma, dessin, danse…), les activités pour les enfants et l’océan qui nous accompagne depuis le début. » Guillaume Derrien, cofondateur du festival.
Des initiatives encouragées par les grands festivals
Lorsque l’on se penche sur ces jeunes structures, il est essentiel de se demander comment « les anciens », comme certains les appellent, perçoivent ces nouveaux venus sur le marché des festivals. Ainsi, nous avons pu nous entretenir à ce sujet avec Alban et François, programmateurs de La Route du Rock. Si la majorité des organisateurs de petits festivals ne se considèrent pas comme des concurrents, c’est la même chose dans le sens inverse :
« On ne réfléchit pas trop en terme économique, on a du mal avec le mot concurrence puisque l’on veut juste faire ce que l’on aime. Après on sait bien qu’il y a concurrence quand quelqu’un d’autre vend des billets à un public qui a un certain pouvoir d’achat, mais ce ne sont pas forcément ces événements là qui peuvent nous faire du mal » explique François.
Alban ajoute d’ailleurs : « Je trouve ça au contraire génial cette émulation qui arrive, ces nouvelles structures, qu’elles soient festivals, labels ou disquaires, ne sont pas des menaces, elles représentent une évolution de la culture que l’on ne peut qu’encourager. C’est l’avenir ». Voilà qui est dit.
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