Pour le troisième anniversaire du Supersonic, on est allé à la rencontre de ceux qui font vivre l’endroit. L’occasion d’apprendre que le batteur des Smiths ne tient pas trop l’alcool, qu’Anton Newcombe est devenu doux et sobre comme un agneau, et de débattre un peu sur le (possible) retour du rock dans les charts.
En trois ans, le Supersonic est très vite devenu le QG des Parisiens adeptes de musique à guitares. On a donc profité de l’anniversaire de la salle de Bastille pour discuter un peu avec Aurélien (programmateur), Tiffany, Cécilia (toutes les deux à la communication), et Quentin (producteur).
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Alors, quel bilan est-ce que vous tirez de ces trois ans ?
Aurélien – C’est super dur de tirer un bilan… Pour ça il faudrait qu’on puisse prendre du recul, et là on est constamment dans l’action, dans le mouvement. Et je t’avoue que là j’encaisse un peu encore notre week-end d’anniversaire (sourire).
Tiffany – Pareil (rires). En tous les cas, on a connu des hauts et des bas, ce qui est normal ; mais on s’entend tous super bien, c’est un boulot de passionnés et on travaille un peu en famille. Donc le bilan est plus que positif.
Aurélien – Surtout qu’on est vraiment libres maintenant. On a créé des choses, comme les soirées DJ Set, les Nuits Rock type F*** Forever…
Justement, quel était votre but avec ces soirées ?
Aurélien – Se sentir comme à la maison, tout simplement ! Des tas de gens aiment le rock à Paris, il y a mine de rien peu de lieux qui se concentrent sur cette musique et te donnent l’occasion d’écouter des concerts jusqu’à 1h du matin, ou des disques jusqu’à 6h. Donc on fait ça pour que les gens se sentent comme dans leurs apparts, puissent écouter la musique qu’ils aiment, boire un coup, mais dans un grand espace.
Tiffany – Et on installe du matériel en haut pour que les gens puissent jouer de la musique ensemble, dans les loges. Il y a aussi des karaokés, des choses comme ça. En fait, on essaie de s’autoriser à peu près tout.
Aurélien – C’est ça, en fait le but c’est de croire en ses idées. Il y a eu des moments où on pensait que telle ou telle soirée allait être un flop et au final ça s’est révélé être un vrai succès.
Cécilia – Les soirées Buffy par exemple (rires).
Vous organisez aussi des tributes le dimanche soir ?
Aurélien – Oui, ça vient du Buzz, l’endroit où Tiffany et moi bossions auparavant. On trouve ça cool comme soirée du dimanche, d’aller écouter des gens qui reprennent les morceaux des Arctic Monkeys, des Cure, des Clash, enfin de tes groupes favoris.
Tiffany – Mine de rien, ce sont des chansons qu’on entend rarement en live.
Au niveau de la programmation, comment vous vous organisez ?Aurélien – Concernant les groupes français, ce sont souvent eux qui nous contactent. Pour les internationaux, et on essaie d’en placer un par soir, on vient parfois vers nous, et il arrive aussi qu’on se batte pour les avoir.
Cécilia – On a aussi un système d’écoute à quatre casques (rires).
Tiffany – En gros, on écoute tous le groupe en même temps et chacun donne son avis. Ensuite, si ça marche, on voit sur quelle date ça pourrait coller… Et la machine est lancée.
Il me semble que vous vous êtes essayés au soirées rap, aussi ?Aurélien – Ouais…ça a duré six mois (rires)
Pourquoi ?
Aurélien – Déjà, ce n’était pas trop notre truc, on est vraiment sur le créneau rock. Enfin, c’est un peu large comme terme mais tu vois ce que je veux dire.
Tiffany – Oui, la musique indé en général, des choses qui sont quand même plutôt axées sur la guitare etc.
Aurélien – Et au niveau de l’ambiance c’était compliqué à gérer. On faisait ça après les concerts, donc, et les deux publics se croisaient… Enfin, c’était un peu la galère.
Tant qu’on y est, il y a une question qui me taraude : vous croyez que le rock va revenir en force dans ces prochaines années ?
Quentin – C’est un débat qu’on a souvent (rires).
Aurélien – Ce serait cool, déjà ! Et franchement je pense que c’est possible. Regarde les programmations de grands festivals. Il y a The Cure à Rock en Seine, Tame Impala en tête d’affiche du We Love Green… Et puis cette scène anglaise qui monte, Shame, Idles. Peut-être que dans trois ans, on pourra trouver du rock en haut des playlists Spotify.
Tiffany – On s’est fait une écoute du top 10 la dernière fois, on ne connaissait pas grand-chose (rires).
Aurélien – Il y avait Thérapie Taxi…
Il manque quoi à cette scène rock, à votre sens ?
Aurélien – Clairement un groupe qui saura réunir les gens. On ne l’a pas trouvé encore, mais ça peut arriver.
Shame ou Idles ont un peu ce truc là, quand même. Perso, je mise pas mal sur Fontaines D.C. aussi.
Tiffany – Trop cool Fontaines D.C. oui !
Aurélien – Shame, il faudra attendre le second ou le troisième album je pense. Concernant Idles j’ai une anecdote marrante ; on nous les avait proposé il y a deux ou trois ans, avant qu’ils n’explosent. J’avais écouté et beaucoup aimé. Mais la production voulait que j’ajoute 50 euros au cachet. Ça m’a un peu saoulé donc j’ai dit non…
Tiffany – Et voilà comment on a raté un de leurs premiers, ou leur premier live en France (rires).
Aurélien – Pour en revenir à ta question, tout va très vite aujourd’hui. Les groupes montent très rapidement, il n’y a quasiment plus d’étapes à passer, ils vont dans de très grosses salles au moment de leur premier album… Donc tout peut arriver. Mais en tous les cas, au niveau de la fréquentation et caetera, je sens qu’il se passe un truc au niveau du rock.
Pourtant, pas mal de salles ont fermé.
Aurélien – Oui, mais elles vont réouvrir ! Et imagine deux secondes quand la Méca ou l’Espace B se remettront sur pieds. Là c’est un peu mort à cause de ces fermetures administratives mais quand tout ça sera réglé, il y aura une véritable émulsion.
Vous n’avez pas un peu peur de cette concurrence ?
Cécilia – Ce n’est pas vraiment des concurrents, en soi.
Aurélien – Quand même un peu (sourire). Mais c’est une concurrence saine. Déjà, ce sont tous des potes et, comme je te le disais, au vu de ce que ça peut engendrer, on a hâte qu’ils réouvrent. D’autant plus que ce sont des endroits que j’aime beaucoup.
Pour en revenir au Supersonic, vous avez souvent des gros noms en DJ Set. Ça s’est toujours bien passé ?
Tiffany – Ah oui, on n’a jamais eu de problème. Les gars ont toujours été super cools.
Aurélien – Grave, là on a eu Carl Barat, des Libertines. Il a passé son temps à discuter avec le public, à jouer avec les gens etc. Pareil pour le batteur des Libertines, Gary Powell.
Cécilia – Même si on a un peu peur, on se dit parfois qu’ils vont nous faire chier et tout (rires).
Peter Hook, ça vous fait flipper ?
Aurélien – Un peu…
Tiffany – Il ne faut pas qu’on stresse. La pire angoisse c’était Anton Newcombe (rires)
Ah oui, je comprends. Ça s’est passé comment alors ?
Aurélien – Super bien ! Il est arrivé, il ne buvait rien, il a arrêté de la drogue et tout.
Quentin – Si, il buvait du jus de pomme…
Aurélien – Ah oui, c’est vrai ! Non mais il était adorable, il a passé sa journée avec nous, on l’a baladé dans Paris, emmené chez Born Bad pour acheter des disques, il est allé manger avec des potes avant de nous rejoindre tranquillement. C’était vraiment cool et on a jamais eu de soucis. Bon, il y a eu Mike Joyce, le batteur des Smiths, qui s’est mangé la vitre de son hôtel parce qu’il avait trop bu (rires). Après quand on y pense, c’est la même chose que pour un petit groupe américain, en tournée. Les gars sont loin de chez eux, ils veulent s’amuser, on doit simplement les accueillir dans cet esprit de fête. De notre coté, d’un point de vue personnel, il faut qu’on garde en tête que c’est un boulot et qu’il ne faut pas trop faire la fête, c’est tout (sourire).
On parlait des fermetures des bars à Paris, tout à l’heure. Vous n’avez jamais eu de problème de votre coté ?
Aurélien – Non, grâce à notre fameux sas. Ce qui pourrait nous faire du mal, ce serait que les voisins se plaignent du bruit, mais ça n’est quasiment jamais arrivé puisque les gens ne sortent pas fumer. Et on a une jauge de décibels aussi. Bon, on verra bien comment ça se passe si jamais on programme A Place To Bury Strangers (rires). Ce qui arrivera un jour, vu que c’est mon groupe préféré.
Et du coup, la suite, ça s’annonce comment ?
Cécilia – On imagine tout, mais on a pas encore de projet précis.
Aurélien – Les idées fusent un peu tous les jours. On aimerait monter un festival, partir à l’étranger, il a été question d’ouvrir les caves pour en faire des studios… Ah et je voulais organiser des concerts le matin aussi, pour que les gens viennent prendre leur café avant d’aller au boulot.
Cécilia – Moi, je voulais monter un disquaire.
Tiffany – Un art-shop aussi.
Aurélien – On avait aussi en projet d’acheter la seule machine à presser des vinyles de Paris ! Enfin tu vois le truc, il y a des idées tous les jours. Notre astuce c’est de prendre un déjeuner avec un peu de vin, et ça nous laisse l’après-midi pour y réfléchir. Voilà c’est ça le truc finalement : picoler pour avoir des idées.
Tiffany – Arrête, on va passer pour des gros alcooliques (sourire).
Aurélien – Non mais après comme je le disais, il faut savoir faire la différence entre ce boulot, qui relève de la passion, et la fête. C’est évident. Mais là tout se passe bien, tant sur le plan humain que professionnel ; et même si ça reste un bar, une salle de concert, même si je dis souvent qu’une bonne soirée au Supersonic reste une soirée de laquelle tu ressors ivre, on garde quand même à l’esprit que c’est un boulot !
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