Policiers, journalistes, organisateurs, curieux, commerçants et habitants du quartier étaient réunis autour de l’Olympia. Récit d’une journée d’attente avant le « concert retour » du groupe américain à Paris.
Pas un seul nuage ne vient troubler le ciel bleu en cette fin de matinée du 16 février. Ce soir, Eagles of Death Metal va rejouer pour la première fois à Paris depuis la nuit d’horreur du 13 novembre 2015 au Bataclan. Le soleil fait rayonner les dorures de l’Opéra, situé à quelques centaines de mètres de l’Olympia. Une petite dizaine d’équipes de télé et radio sont cantonnées de l’autre côté du boulevard des Capucines, face à la salle. Plusieurs préparent leur direct pour le journal de 11 heures. “Le job, c’est de faire monter la sauce”, confie un journaliste. Il faut capter l’attention du téléspectateur alors qu’il ne se passe encore rien de visible du côté de l’Olympia.
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Les rumeurs concernant l’accrochage des lettres rouges annonçant le concert sur la façade de l’Olympia ont circulé dans la nuit. Certains caméramen sont présents depuis 6 heures du matin car c’est l’une des images qu’il ne faut pas rater. Celle-ci va illustrer les reportages toute la journée ainsi que l’ouverture des journaux de la matinée. « Mon collègue s’est gelé pendant quatre heures pour rien, ils ont installé les lettres à 10 heures« , raconte Julien Nény, journaliste rédacteur à iTélé. « Quand je l’ai relayé, c’était un glaçon« , ajoute-t-il, souriant, en enfilant ses gants.
Au moins 300 policiers mobilisés
La mission des journalistes aujourd’hui?
« Recueillir les témoignages des curieux qui s’arrêtent devant la salle et prennent des photos. Il faut incarner, comme on dit à la télévision ».
Quitte à interroger le premier venu. « Si on ne couvre pas cela, c’est une faute professionnelle, il faut être là« , s’enthousiasme Julien Nény, qui va réaliser une douzaine de directs durant la journée.
Le dispositif de sécurité – au moins 300 policiers sont mobilisés – se fait discret, mais visible. Les forces de l’ordre patrouillent tout autour de l’Olympia. La circulation du boulevard n’est pas interrompue mais un filtrage des passants s’effectue déjà du côté de la salle. Aussi, des barrières sont installées autour de l’Olympia. Interdiction de se garer aux abords du concert.
Les magasins haut de gamme restent ouverts vaille que vaille. « Le mardi matin, c’est toujours calme. On va voir comment cela évolue dans l’après-midi« , explique une vendeuse. Le kiosquier situé à côté de l’Olympia est quant à lui dans la difficulté.
« On a vendu 20 à 30 % de moins pour la matinée. Les gens n’osent pas trop venir, estime Christian. On va peut être fermer plus tôt, à 18 h 30 au lieu de 20 heures. Et puis, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver », avoue le commerçant inquiet, qui baissera finalement son rideau en milieu d’après-midi sur ordre des policiers.
Cafés, cigarettes et évangiles
Du côté des journalistes, le rituel est souvent le même : essais micro, balance des blancs pour la caméra, concentration, relecture à haute voix, étirement de la mâchoire. Aussi, les traditionnels cafés et cigarettes rythment la journée entre les directs. A la pause déjeuner, les passants et badauds se font plus nombreux. Les équipes de journalistes aussi. TF1, M6, et France 3 ont investi les lieux.
Juste avant de passer en direct, Candice Mahout, journaliste pour BFMTV se fait alpaguer par un passant qui l’assaille de questions.
« Est-ce que vous dites dans votre reportage que ce groupe profère des paroles sataniques sur scène ? », lui répète à l’envi l’homme d’une cinquantaine d’années.
L’appel de la faim et un « rendez-vous urgent » le détournent finalement de sa mission divine. « Heureusement qu’il n’a pas entendu lorsque Jesse Hughes parle des seins et des fesses« , plaisante la journaliste après sa chronique.
Entre 16 et 17 heures, l’effervescence s’intensifie. Une vingtaine de médias sont déjà installés et une quinzaine d’autres les rejoignent. Radio, télévision, presse écrite et web, la plupart des rédactions ont dépêché un ou plusieurs journalistes sur place. Dans le brouhaha, Philippe Manœuvre se faufile pour un duplex au milieu des médias suisses, belges, italiens, allemands, espagnols ou anglais venus en masse.
Câlins entre les Eagles of Death Metal et des rescapés, avant le concert. <3 #Olympia #EODM @OdieuxBoby pour @libe pic.twitter.com/1ZZiVbEI8i
— Tess Raimbeau (@TessRaimbeau) February 16, 2016
Meute silencieuse
Les rescapés du Bataclan et leurs familles arrivent à 17 h 30. Plusieurs d’entre eux traversent l’avenue pour répondre aux questions des journalistes. Leur venue provoque de petits mouvements de foules. Inhabituellement silencieuse, calme et respectueuse, la meute de journalistes recueille attentivement les témoignages. S’ils font parfois preuve d’inélégance, c’est davantage entre eux, à l’instar de ce moment pendant lequel certains cameramen n’hésitent pas à bousculer une journaliste de LCI concentrée sur son plateau à venir.
A la tombée de la nuit, les sirènes deviennent plus nombreuses. Désormais, tous les spectateurs munis d’une place attendent religieusement de passer les contrôles de sécurité, derrière les barrières. Plusieurs journalistes ont déjà « réservé » quelques emplacements stratégiques pour les interviewer après ce concert éprouvant et hors-norme.
Théo, 17 ans, est sidéré par la grande solennité des spectateurs.
« D’habitude les gens crient, rigolent, boivent. Il y a une excitation avant les concerts normaux qui n’existe pas du tout ce soir », lance le jeune Normand frigorifié avant de rentrer dans l’Olympia. Lui non plus n’a pas vraiment envie de s’amuser. « Un de mes amis a commencé ce concert en novembre, il y est resté. Je veux le faire pour lui », justifie-t-il sobrement.
Prime à la rapidité
Contrairement aux autres concerts, presque aucun billet n’est à vendre illégalement ce soir. Trois hommes veulent le même ticket, la prime est à la rapidité. Hors de question de faire du bénéfice pour le vendeur qui souhaite juste rentrer dans ses frais. 23h10, le concert se termine, les spectateurs sortent et se retrouvent devant le café de l’Olympia. Avec leurs lampes de poche et leurs sifflets, les policiers font la circulation. Rien à signaler.
Encore quelques témoignages de rescapés à recueillir, une chronique à tourner et les médias commencent doucement à plier bagages. Deux groupes de rescapés rejoignent alors le trottoir qui fait face à l’Olympia. Ils parlent fort, sourient, se félicitent « d’y avoir été« . Certains concèdent même avoir bu trop de bières. Comme après n’importe quel bon concert. Sauf que, celui-ci, n’avait rien de commun. Pour personne.
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