Disparu ce week-end, le batteur Clyde Stubblefield est celui qui a fait groover James Brown durant ses plus belles années. Les producteurs hip-hop de toutes les époques se sont fait une joie de le sampler. On vous raconte comment ses breakbeats ont été la base de nombreux hits rap.
Si vous ne connaissez pas Clyde Stubblefield, il y a pourtant de fortes chances que vous l’ayez déjà entendu. Et de nombreuses fois. Si vous aimez James Brown d’abord, mais aussi si vous êtes un amateur de hip-hop. Décédé ce week-end (le 18 février) à l’âge de 73 ans, le batteur a tenu la rythmique du Godfather of Soul de 1965 à 1971, lorsque son boss était au top de sa créativité et de sa notoriété. Et puisque James Brown est sans conteste l’artiste le plus samplé par le hip-hop, Clyde Stubblefield est forcément le batteur le plus samplé.
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Funky Drummer, le break d’une vie
Certes, James Brown a toujours fonctionné avec deux batteurs qui interchangeaient en fonction des titres en live, des dates, des séances studio… Mais si Clyde Stubblefield est plus rentré dans la légende que son binôme John « Jabo » Starks, c’est en grande partie grâce à un titre : Funky Drummer. Sur ce morceau sorti en 1970, le batteur tient un solo de vingt secondes, qui fera le bonheur d’un nombre incalculable de producteurs hip-hop (à 5mn34 sur la vidéo).
Dès les prémices du hip-hop, les breakbeats tirés des morceaux de James Brown connaissent une seconde jeunesse. Pour plusieurs raisons. La notoriété évidente du chanteur, bien sûr, mais aussi pour son statut d’icône de la fierté noire de l’époque. Sans jamais s’être entièrement politisé, il a su sortir des tubes très explicites comme Say It Loud – I’m Black And I’m Proud. Brown avait aussi cet art de laisser la part belle à ses batteurs sur de nombreuses productions. Quelques secondes pour faire entendre le groove du morceau dans son plus simple appareil, faisant le bonheur des danseurs, puis des breakers et des djs durant la seconde moitié des années 1970. Surtout, lorsque le hip-hop naît, James Brown est dans le creux de la vague, sa carrière cherche un second souffle. Et c’est le hip-hop qui va contribuer à le lui donner.
Une expression rythmique qui rentre dans le jargon musical
Le break de Funky Drummer traverse toutes les époques du hip-hop. A commencer par celle où les beats se faisaient très souvent en rejouant des parties rythmiques préexistantes. Les premiers à s’attaquer au Funky Drummer sous cette forme sont Mc Quick Quintin et Mc Mello J. sur The Classy M.C.’s, en 1985. Par la suite, beaucoup sampleront d’autres parties de ce morceau qui ne sont pas jouées par Clyde Stubblefield.
http://www.youtube.com/watch?v=BgYX1-o7BW4
Celui qui va sampler le breakbeat de Funky Drummer grâce à un échantillonneur, c’est Hank Shocklee, qui officie en tant que producteur dans The Bomb Squad pour le compte de Public Enemy. En 1987, ces derniers sortent Rebel Without A Pause, sur l’album It Takes A Nation Of Millions To Hold Us Back. Le titre est basé sur Funky Drummer tout comme Bring The Noise. Ils ouvrent la voie à Dj Jazzy Fresh, Salt-N-Pepa, Mc Shan, Ultramagnetic Mc’s, Eric B. & Rakim, Dr Dre, Mos Def, N.W.A., LL Cool J, Slum Village, Nicky Minaj… Et aux innombrables artistes hip-hop qui se sont inspirés du pattern de batterie de Stubblefield pour structurer leurs morceaux.
http://www.youtube.com/watch?v=q0b0jIaCEHU
Le nombre de samples basés sur Funky Drummer est tellement gigantesque que cela devient presque une blague de les lister. Le titre du morceau désigne désormais une expression musicale qui pourrait quasiment signifier « tomber dans la facilité ». Clyde Stubblefield a même fini par être surnommé The Funky Drummer et par publier en 1993 un album solo intitulé Revenge of The Funky Drummer.
Questlove et Prince étaient des fans
D’autres titres de James Brown sur lesquels Clyde Stubblefield tient la batterie ont été pillés par le hip-hop : Say It Loud – I’m Black And I’m Proud, Cold Sweat ,Get Up, Get Into It, Get Involved, Ain’t It Funky Now , There Was A Time, Mother Popcorn, les titres de l’album Sex Machine…
Le célèbre batteur Questlove, leader de The Roots et reconnu pour sa technique et son groove tant de fois copiés, disait de lui qu’il avait le meilleur jeu de main gauche du XXe siècle.
« Ce qui le définit, ce qui le distingue des autres batteurs, ce sont ses grace notes (des notes d’ornement, subtiles, qui font parfois tout le groove d’un beat, ndlr). Elles ont défini toute une génération. »
Au-delà du hip-hop, il a aussi reçu de nombreux hommages de la part de Prince, qui confiait qu’il était son batteur préféré.
Clyde Stubblefield n’a jamais touché d’argent pour avoir été le batteur le plus samplé de l’histoire (même si l’auteur du fameux Amen Break, Gregory Sylvester « G.C. » Coleman ne doit pas être loin derrière lui), Prince a cependant tenté de remédier à ce manque de reconnaissance en lui reversant 80 000 dollars pour qu’il puisse payer les frais médicaux que nécessitait son traitement contre des problèmes rénaux et un cancer de la vessie. Celui-là même qui l’a emporté samedi après plus de dix ans de combat.
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