Le duo rennais Columbine revient avec « Adieu bientôt », un album marqué par un chaos textuel parsemé de moments de grâce.
Solitaire, décrié, se moquant des codes : et si Columbine était le Jean-Luc Godard du rap français ? La comparaison peut sembler audacieuse : elle ne l’est pas tant que ça à l’écoute du dernier album des rappeurs rennais. Le titre, Adieu bientôt, semble faire écho à la dernière œuvre (sortie en salle) du réalisateur franco-suisse, Adieu au langage.
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Et dans le film, comme dans le disque, la parole est décomposée, morcelée, et semble au final presque vide de sens. Les mêmes reproches sont d’ailleurs faits au metteur en scène et au duo rennais : ils seraient abscons, poseurs, adeptes d’un style ampoulé.
L’analogie avec ceux qui se surnomment “le groupe le plus détesté” a évidemment ses limites : on n’a jamais reproché à Godard d’abuser de l’Auto-Tune. Dans leur album précédent, Enfants terribles, les Rennais évoquaient Jean Cocteau notamment avec le titre Dans ma chambre ; avec ce nouveau disque, ils adoptent clairement sa maxime : “Ce que l’on te reproche, cultive-le, c’est toi-même.”
Une écriture rapide
Les productions sont destructurées, l’Auto-Tune déforme les voix, et les textes – qui évoquent pêle-mêle les angoisses contemporaines, les familles éclatées, les joies éphémères du passage à l’âge adulte, les ambitions pas encore déçues et le sexe, avec ou sans lendemain – semblent parfois relever du cadavre exquis ou de l’écriture oulipienne. “On écrit beaucoup plus vite qu’avant, sans trop essayer de réfléchir, c’est beaucoup plus spontané”, décrit Lujipeka.
Ce style d’écriture atteint son paroxysme avec l’aérien Puzzle qui conclut l’album, où Foda C se permet de rapper : “Tempo coincé, chewing-gum fâché, interprété, théâtre raté, conscient j’accuse, porno sans sucre, salade de peur, j’atteins, je meurs.” Un titre qui sample Les Flocons de l’été d’Etienne Daho : “Il a donné son accord, il nous a écrit qu’il avait kiffé le son… On vient de Rennes comme lui, ça a peut-être aidé”, plaisante Lujipeka.
Un duo qui la joue encore solo
Habitué à tout faire depuis ses débuts, de la production des titres jusqu’à la réalisation des clips, le collectif Columbine a cette fois laissé un peu entrer le monde extérieur. Seezy (le beatmaker de Vald), Junior Alaprod (qui a travaillé avec MHD, Siboy et Benash) et Ponko (qui a produit Damso ou Hamza) trouvent ainsi une place dans la tracklist. “Les autres sons, ce sont des type beats trouvés sur internet et retravaillés, un beat fait par un fan, des productions faites par nous-mêmes, et les sons de nos producteurs habituels”, détaille Foda C.
Alors que le milieu du rap multiplie les featurings, comme autant d’invitations, de coups de main et de renvois d’ascenseur, le duo la joue encore solo : “On ne veut pas faire un featuring avec un rappeur s’il n’est pas vraiment notre pote. Si on s’est croisés une fois dans une soirée, ce n’est pas la peine, le titre ne sera pas sincère…Et puis, franchement, je pense que le milieu du rap s’en fout un peu de nous, on fait notre truc dans notre coin”, décrit Foda C.
Au sein d’un genre de moins en moins codifié, Columbine pousse encore un peu plus les murs du rap. Au milieu d’un chaos textuel, qui ressemble au fouillis de nos pensées, le groupe délivre quelques moments de grâce comme Mirador, Cache-cache, La Gloire ou l’Asile, Age d’or ou Puzzle. Columbine n’est pas encore à bout de souffle.
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