Souvent cité comme une influence fondamentale, de Nirvana à Dominique A., le premier album des Gallois des Gallois Young Marble Giants inventait la lo-fi dés 1980. On le réédite en grande pompe.
1980, Jean-Claude Bourret commence à bassiner tout le monde avec les OVNI mais la soucoupe la plus fascinante de cette époque avide de paranormal ne provient pas de l’espace.Il s’agit d’un disque noir, glissé dans une pochette presque noire sur laquelle se détachent trois profils de statues grecques et un nom qui illustre parfaitement l’ensemble : Young Marble Giants. Lorsqu’il touche terre sur les plaines gelées de cet hiver sans horizon, au terme duquel Ian Curtis scellera au bout d’une corde les maigres illusions d’un romantisme cold-wave déjà moribond, Colossal youth perturbe les radars esthétiques et les habitudes d’écoute pourtant déjà bien bousculées. Tout l’emballement post-punk, dans les années précédentes, avait consisté à imaginer une musique sans mémoire, opérant des dysfonctions du traditionnel système de références et des recherches primitives dont certaines (P.I.L, The Pop Group) parvinrent partiellement à leur but.
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Mais avec l’apparition de ce trio de Cardiff, constitué des deux frères anglo-gallois Phil et Stuart Moxham et de la (dé)chanteuse Alison Statton, c’était comme si deux Adam et une Eve nés dans un Eden grisâtre d’après l’apocalypse punk s’était mis à faire de la musique. Une musique ni naïve ni instruite, ni séductrice ni destructrice, ni mélancolique ni gaie, ni dure ni douce, ni rock ni pop. Une musique, par contre, radicalement sage, ou platement extravagante, tant il n’est pour le critique désarmé – y compris vingt-sept ans après – que des oxymores pour oser la définir.
Qu’entend-t-on au juste ? Une boîte à rythme, le singulier s’imposant car la pattern réglée sur métronome ne bouge quasiment jamais. Une basse (Phil) comme apeurée par les assauts pourtant bien dociles d’une guitare aînée (Stuart) qui hachure des accords aussi hâtifs que ceux des premiers Cure. Un synthé poussiéreux de films de SF des années 50. Une voix de petite déesse provinciale (Alison), comme la nièce engourdie de Moe Tucker ou une Astrud Gilberto qui aurait grandi à Cardiff plutôt qu’à Rio. C’est tout. Le reste appartient à ce génie inexplicable qui fait d’une boîte d’allumettes une cathédrale ou d’un tas de sable un château.
Monument fragile, condamné à disparaître aussitôt, les Young Marble Giants n’ont fait qu’un seul album, encadré de deux ep’s (dont un curieux hommage instrumental à la télé de leur enfance, Testcard e.p.) et une Peel session. Le premier single de ces météores portait un déjà un indice dans son titre : Final day. L’ensemble de ce maigre butin (avec la collection de démos Salad days déjà éditée précédemment) est aujourd’hui réuni dans un coffret, accompagné d’un texte du toujours brillant Simon Reynolds (auteur de l’anthologie Rip it up and start again).
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