Avec ses cordes hollywoodiennes et ses beats grondants, Aim offre à l’Angleterre un hip-hop local, sophistiqué et mélancolique. Enfin disponible en France, Cold water music est un homeless dans le hip-hop, trop lascif et renfrogné pour son Angleterre natale, trop lent et sophistiqué pour l’Amérique où Aim est allé, face à la pénurie de […]
Avec ses cordes hollywoodiennes et ses beats grondants, Aim offre à l’Angleterre un hip-hop local, sophistiqué et mélancolique.
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Enfin disponible en France, Cold water music est un homeless dans le hip-hop, trop lascif et renfrogné pour son Angleterre natale, trop lent et sophistiqué pour l’Amérique où Aim est allé, face à la pénurie de voix britanniques, faire son marché aux rimeurs. C’est dans l’un des meilleurs ateliers mondiaux de modernisation de la soul qu’il a trouvé refuge : chez les Mancuniens de Grand Central, le laboratoire en blues blanc tenu par Rae & Christian. A l’écoute de cette musique aussi paisible qu’accidentée, on ne s’étonne pas que l’architecte de Cold water music, Andy Turner, ait grandi sur les rives mélancoliques des grands lacs du Nord-Ouest anglais, ces rives aussi majesteuses qu’inquiétantes dont les lueurs crépusculaires influencèrent un autre Turner, lui aussi romantique ténébreux mais peintre celui-ci.
D’Aim, on avait adoré la sophistication d’une prodigieuse lignée de maxis, puis appris à nous méfier de leur spleen contagieux, poisseux. C’est précisément cet équilibre qui ensorcelle sur Cold water music, littéralement entre deux eaux on ne remercie pas innocemment, sur sa pochette et sur la même ligne, les Smiths et Pete Rock. Car, souvent dans le même morceau, la mélodie et le chant batifolent en plein soleil, dans la clarté et la chaleur, pendant que les beats et les marécages soniques, eux, se débattent dans les abysses, dans une obscurité régulièrement suffocante. Sur l’haletant Journey to the end of the night, une trompette à l’allégresse rarement entendue depuis le Going away de Sly Stone est ainsi tourmentée par les assauts de rythmes paludéens. Sur Cold water music, un grondement inquiétant et des glissades dans les tréfonds des mineures viennent troubler le cours d’un groove qui partait pourtant à la plage et se retrouve sur la banquise de pochette. Sur Demonique (un qui la tient…), c’est carrément le grand frisson gothique en Technicolor (surtout du noir, en fait), le Wu-Tang investissant Carmina burana, pompeux mais saisissant.
Souvent, Cold water music indique ainsi ce qu’aurait pu donner la rencontre entre Burt Bacharach et RZA, high-pop étincelante et hip-hop chancelant un rêve régulièrement esquissé à Bristol, de Massive Attack à Alpha. Même quand il fréquente la normalité le hip-hop suave de The Force et Ain’t got time to waste ou celui, gandin, de From here to fame, lové dans la soie d’un orchestre à cordes volé à Hollywood , ce faux groupe traîne toujours derrière ses violons, ses rimes et ses beats les plus limpides des séquelles de menaces, des restes de marée noire. On tient même le somptueux Sail pour responsable de la séparation d’Archive : comment continuer à pousser Dionne Warwick dans les orties quand ce faux R&B, anxieux et lascif, le fait avec autant de classe et de vice ?
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