Pour quiconque a suivi les débuts de la scène jungle anglaise et son évolution, le constat sera dur à avaler : inspiration et idées semblent dorénavant faire défaut à des artistes résolument bloqués dans une impasse. Paradoxalement, cette perte d’intérêt a sans doute été amorcée par New forms, l’album-fleuve de Roni Size et Reprazent. Trop […]
Pour quiconque a suivi les débuts de la scène jungle anglaise et son évolution, le constat sera dur à avaler : inspiration et idées semblent dorénavant faire défaut à des artistes résolument bloqués dans une impasse. Paradoxalement, cette perte d’intérêt a sans doute été amorcée par New forms, l’album-fleuve de Roni Size et Reprazent. Trop riche et ouvert et donc trop accessible , son triomphe anglais a provoqué la réaction contraire à l’ouverture alors escomptée : un retour à un hermétisme forcené, le refuge dans les clichés d’autrefois. Par une drôle de coïncidence, les rares disques dignes d’écoute sont dus à Roni Size et à DJ Krust, un de ses acolytes dans Reprazent. Depuis le maxi Cold war, on avait placé en ce dernier beaucoup d’espoir : grâce à une science du son, une maniaquerie sans égal et un goût pour les accidents, il ébauchait un univers personnel, mélange de brutalité et de douceur, de noirceur et de lumière. Face à cette impressionnante mise en bouche, Coded language ne tient pas la longueur et reflète en partie les écueils rencontrés par les junglists : une lourdeur inévitable, des impératifs rythmiques contraignants clouent au sol une musique qui voudrait s’évader. Krust n’est ainsi pas toujours à la hauteur de ses ambitions même s’il se permet One moment, un instrumental à cordes plutôt culotté mais il a au moins le mérite de chercher une porte de sortie. Qu’il franchit à moitié sur un début d’album à couper le souffle avec Re-arrange, exemple de drum’n’bass psychiatrique à se cogner la tête contre les murs. Outre un sens des arrangements grinçants, Krust dispose d’une bonne alliée en la personne de la chanteuse Morgan. En son absence, Krust se laisse vampiriser par la technologie et sa musique perd sa pertinence, les breakbeats en totale roue libre. Coded language fréquente toutefois le haut du panier, témoin le flippant morceau-titre, rencontre entre une drum’n’bass affolante et les mots de Saul Williams : un moment de bravoure qui vaut bien une petite désillusion.