Galina Dark de Claudia Triozzi.
Le gallinacé comme emblème des leurres et malheurs où patauge le féminin. Poule couveuse, poule nourricière, poule agressive et poule victime. Réceptacle de l’esprit (qui est-ce qui philosophe, l’oeuf ou la poule ?) ou support sacrificiel, objet de dérision et miroir des prostituées, décidément la poule tient une place de choix dans l’imaginaire humain. Entre trivial et sacré, elle picore et ne tient pas en place. Autant d’attributs qui l’ont rendue irremplaçable dans l’univers de Claudia Triozzi, dont le bestiaire ne s’arrête pas là mais y revient sans cesse. Danseuse de formation, italienne de naissance, on l’a vue danser chez Georges Appaix, François Verret, Vera Mantero ou Odile Duboc, avant qu’elle ne se lance dans des projets personnels où la danse s’efface assez pour que surgissent des installations qui la rapprochent sensiblement de certains plasticiens. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si elle nomme ses propositions des « tableaux vivants » et les présente au public dans des galeries ou des théâtres, les intégrant ou non à d’autres aventures artistiques.
Dans Galina Dark, en compagnie d’une vraie poule, on peut voir Adina, alias Claudia Triozzi, fumer ses cigarettes en fêtant son anniversaire, en faisant du vélo ou en manipulant quelques gadgets, ludiques et inutiles. Mais Claudia Triozzi a d’autres tableaux à son actif : la nourriture y est prédominante. Pourrissante, infestée d’objets non comestibles, incorporée à la mécanique industrielle qui en assure la reproduction ou la cuisson en la dénaturant, elle est le support idéal de la souffrance indicible d’Adina. Adina ne mange pas, elle est mangée par son travail, sa vie, son milieu. Adina ne fume pas, elle étouffe et se consume. Adina ne bouge pas, elle est manipulée par ses diverses fonctions. Il n’y a qu’au milieu d’un gazon synthétique que son corps se jette dans la danse, cambrée, saccadée. On songe à l’hystérie, à ce passage fragile où le sacré s’infiltre et s’empare de l’esprit par toutes ses fibres corporelles. D’où la fascination provoquée par la vision de ces tableaux, avec pour seul garde-fou le tempérament comique et plein de dérision dont fait preuve Claudia Triozzi. Ecce Galina…