Contes d’une nuit d’éther. Le hip-hop crépusculaire de ces Fugitifs a pris beaucoup de poudre d’escampette avant de claquer la porte des clubs. Autrefois, le club de rugby de l’Aviron Bayonnais avait une jolie chorale. “C’est à Baba, c’est à Yoyo, c’est à Nene, c’est à Bayonne/Qu’on se bibi, qu’on se dodo, qu’on se nene, […]
Contes d’une nuit d’éther. Le hip-hop crépusculaire de ces Fugitifs a pris beaucoup de poudre d’escampette avant de claquer la porte des clubs.
Autrefois, le club de rugby de l’Aviron Bayonnais avait une jolie chorale. « C’est à Baba, c’est à Yoyo, c’est à Nene, c’est à Bayonne/Qu’on se bibi, qu’on se dodo, qu’on se nene, qu’on se bidonne. » On a essayé : la même chose peut être chantée avec Brighton. Car depuis quatre ans, portée par une vie nocturne aussi variée qu’affranchie de tout dogme, la scène locale teste les sons avant de les déclarer propres à la grande consommation anglaise. Patrie historique du big-beat le club Big Beat Boutique et son label affilié, Skint, ont, depuis leur repaire de front de mer, trouvé le seul moyen de contrer le bruit des vagues : en montant la beatbox à 11 , Brighton abrite ainsi une étrange flore, totalement allergique à la lumière du jour, mais épanouie sous les étoiles.
De Fatboy Slim à Amon Tobin, on a tendance ici à danser un peu de travers, à mettre beaucoup de pop dans le hip-hop, beaucoup de joints dans la jungle. AJ Kwame et Jo 2 Grand y font figure de glorieux vétérans, eux qui ont déjà tâté de la gloire et du solide-crédible en enregistrant pour Mo’Wax ou en empruntant la voix de notre propre Ménélik, alors qu’ils avaient pignon sur rue avec leur trio de hip-hop futuriste RPM. Il suffit d’ailleurs de lire l’édifiante liste des remerciements de pochette pour comprendre que chez les Runaways les Fugitifs, histoire d’affirmer son appartenance aux non-inscrits la musique se joue obligatoirement hors des dance-floors battus. Car on n’y repère que des fortes têtes à haute densité de cervelle, de DJ Shadow au label Pussyfoot, des Ragga Twins à Bambaataa. Et à l’écoute de ces Past present future, de ces Free, de ces Piano toon (comme du Penguin Café-Discothèque), on plaint sincèrement les tacherons de la Technics, les laborieux de la beatbox TB 303, les forçats du bpm calibré, tous ces esclaves qui s’ignorent, qui campent la liberté avec des gros boulets aux pieds. Car les Runaways, eux, volent, planent. On est à peine entré depuis trente secondes dans Levitation, pour savoir que ce voyage c’en est un fuira les autoroutes et le monotone : une mandoline s’y débat contre un hip-hop solennel, avec une grandiloquence rarement entendue depuis l’hymne Clubbed to death. Une impression de lutte, de tiraillement du tissu sonore qui ne cessera jamais quitte à parfois frôler le déchirement. C’est à Brighton que ça se passe. Mais c’est d’une beauté tellement grave que là, plus personne ne se bibi, ne se dodo, ne se nene.
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