Pierre-Yves Macé est un jeune compositeur français qui a publié un précédent album, Faux-Jumeaux, sur Tzadik, le label de John Zorn. De prime abord, son esthétique tournerait autour de la musique concrète : ses compositions semblent en emprunter les méthodes de collage, d’assemblage ou de transitions et auraient pu sortir, il y a trente ans, […]
Pierre-Yves Macé est un jeune compositeur français qui a publié un précédent album, Faux-Jumeaux, sur Tzadik, le label de John Zorn. De prime abord, son esthétique tournerait autour de la musique concrète : ses compositions semblent en emprunter les méthodes de collage, d’assemblage ou de transitions et auraient pu sortir, il y a trente ans, dans la collection de musique contemporaine Prospective du XXIe siècle , aux pochettes argentées.
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Or, le XXIe siècle, nous y sommes de plain-pied, et les compositions de l’auteur n’ont rien de prospectif, elles sont tout au contraire fortement enracinées dans le présent. Un présent qui se manifeste par l’usage des formes les plus variées, peut-être même les plus antinomiques, de la musique. Il y a tout à la fois des relents de rock, de jazz, de musiques de films, et surtout d’electronica. Un peu comme si, au lieu des matériaux classiques de la musique contemporaine, Pierre-Yves Macé utilisait essentiellement des choses issues de la musique populaire contemporaine et les emmenait vers un ailleurs inhabituel, inusité.
Bien sûr, d’autres que lui s’y sont déjà essayés : dans les années 60, Bernard Parmegiani et Pierre Henry ont fait des œuvres fondatrices mêlant les genres. Mais on a l’impression que, dans le panthéon de Macé, ces compositeurs très prisés ne figurent pas plus haut qu’Autechre ou Aphex Twin : ils sont au même plan.
Pour autant, malgré ces quelques réminiscences, la musique de Circulations> possède bien des qualités intrinsèques : de la délicatesse, tout d’abord, de la tension aussi, fomentée par l’alternance d’atmosphères orageuses et contemplatives, bruitistes et mélodiques. Elle est habitée surtout par un impeccable sens du déplacement, voire du dédoublement et de la métempsychose : la musique de Circulations donne l’impression d’être un peu partout à la fois, présente en différents endroits de l’espace en même temps.
Cela est sans doute dû au processus même de la composition : l’album a été écrit en deux temps. Tout d’abord, quatre mouvements (respectivement pour percussions, guitare électrique, harpe et enfin clarinette) ont été interprétés, enregistrés puis manipulés. Les résultats de la manipulation ont été ensuite mixés avec les mouvements initiaux. De sorte que l’on entend en permanence un instrument et son fantôme, un mouvement et son ombre, qui ne le suit d’ailleurs pas forcément, mais peut apparaître bien plus tard ou plus tôt dans le disque. On est ainsi, fondamentalement, dans un jeu de résonances et de réverbérations entre des objets distincts et leurs doubles métamorphosés. Et c’est bien cette résonance-là qui intéresse l’auditeur : le processus, finalement, importe peu.
Ce sont les impressions fugitives de mouvement, de dédoublement spatial, qui attirent l’attention de l’oreille et presque de l’œil. Car, comme son titre le dit bien aussi, ce disque est une œuvre qui traite fondamentalement du double déplacement sensitif et physique ainsi que de la distance entre les moments et les lieux. Son écoute débute dans un endroit et se conclut tout à fait ailleurs : un déplacement qui se fait sans même que l’on se rende bien compte de l’espace-temps traversé.
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