Un disque somptueux qui envoûte jusqu’à l’accoutumance : l’une des plus belles découvertes de l’année.
Des mélodies qui séduisent autant qu’elles bouleversent, des paroles aux émotions intenses chantées d’une voix androgyne, des rythmes ralentis pour une sensualité maximale, une production sublime… On a beau essayer de décrypter tous les ingrédients qui composent ce philtre d’amour, difficile de trouver la logique d’un coup de foudre.
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Né au mauvais endroit, au mauvais moment
Pourtant, rien ne prédisposait Greg Gonzalez, fondateur lettré de Cigarettes After Sex, à une carrière musicale. Né au début des années 1980, il grandit à El Paso, au Texas, dans une famille où personne ne joue d’un instrument. “J’étais un peu le mouton noir, explique-t-il en souriant. A l’école, je ne sympathisais qu’avec des enfants qui aimaient la musique. C’est ce qui me permettait d’avoir un lien avec les autres. Je dépensais tout mon argent de poche en CD. A partir du lycée, j’ai commencé à jouer de la guitare dans des groupes et en solo.”
Avec l’émergence d’internet, il passe des heures à faire des découvertes en sautant d’un site à un autre, comme une chasse au trésor sans fin. Après avoir écouté beaucoup de metal pendant son enfance, il se passionne pour de nombreux groupes anglais des eighties, des Smiths à Echo & the Bunnymen en passant par Queen et The Sound. Il a alors l’impression d’être né au mauvais endroit, au mauvais moment. “El Paso est une ville paisible avec une bonne scène musicale, mais assez éloignée de mes propres goûts. Il fallait que je m’en aille pour trouver l’endroit qui me correspondait vraiment.” Il part faire des études de musique à l’université du Texas.
De cette expérience, il avoue ne pas avoir retiré tout ce qu’il espérait, car il avait déjà ses habitudes de songwriter. Mais il en garde quand même un épisode décisif pour Cigarettes After Sex : “Tous les jours, je passais par une cage d’escalier qui faisait résonner les sons de façon incroyable. Ça donnait un écho étrange, très frappant. Je me suis dit que ce serait bien d’enregistrer un morceau là-bas. On a fait ça rapidement, sans trop réfléchir. A cette époque, c’était plus un projet solo qu’un vrai groupe. Les musiciens allaient et venaient comme ils le voulaient.” Cette session sauvage a donné un premier ep, sorti en 2012.
Des morceaux enivrant
Greg finit par se résoudre à abandonner la fac. Il s’installe alors à Brooklyn. “Beaucoup d’artistes que j’adore sont passés par New York et ça m’a mis la barre plus haut. Soit je réussissais, soit je devais rentrer au Texas.” Il continue à composer et à chercher des sonorités intéressantes. En 2015, il met en ligne Nothing’s Gonna Hurt You Baby et Affection, deux morceaux cotonneux qui rappellent Mazzy Star. En parallèle, ce cinéphile érudit dirige un cinéma dans l’Upper East Side, le Beekman Theatre. C’est là, toujours dans un escalier, qu’il enregistre Each Time You Fall in Love, digne descendant de la BO de Twin Peaks.
Le résultat figure aujourd’hui sur leur premier album, Cigarettes after Sex – inutile de chercher un titre différent quand on a trouvé un nom de groupe aussi parfait. Cette fois, il ne s’agit plus d’un projet en solitaire dissimulé derrière un nom collectif, mais bien d’un groupe, quatuor masculin mené par les pattes de velours de Greg Gonzalez.
A la fois planantes et charnelles, ténébreuses et capiteuses, les chansons de Cigarettes After Sex dégagent une grâce féline dès les toutes premières notes de K., ouverture magistrale d’un album dont les volutes ensorcelantes ne s’estompent jamais. Presque tout a été enregistré en trois nuits : “J’aime travailler le soir. C’est un moment où tout le monde est plus détendu. Je trouve que ces ambiances nocturnes correspondent bien à notre musique.”
En parfaite cohérence avec les atmosphères sombres et raffinées de leur musique, leurs visuels sont devenus indissociables des morceaux qu’ils illustrent : de magnifiques photos de Man Ray en noir et blanc qui invitent à la caresse. “Je voulais avoir des visuels très unifiés, comme les Smiths et Belle And Sebastian savaient si bien le faire.” Avec cette identité bien affirmée et cette écriture voluptueuse signée à l’encre noire, Cigarettes After Sex pourrait faire un tabac.
concerts le 29 juillet au festival Cabourg Mon Amour, entre le 2 et le 4 novembre à Paris (Pitchfork Music Festival), le 22 à Strasbourg, le 23 à Feyzin
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