C’est l’histoire d’une fille belle comme un cœur, qui occupe le plus clair de sa jeunesse à cheminer d’un pas félin sur les tréteaux des défilés de mode et à prêter son joli minois à des publicitaires et des réalisateurs en émoi. Une fille qui a trop de plomb dans la tête pour se satisfaire […]
C’est l’histoire d’une fille belle comme un cœur, qui occupe le plus clair de sa jeunesse à cheminer d’un pas félin sur les tréteaux des défilés de mode et à prêter son joli minois à des publicitaires et des réalisateurs en émoi. Une fille qui a trop de plomb dans la tête pour se satisfaire d’être un simple objet de fantasmes, et qui échappe finalement au destin pailleté de starlette qu’on lui avait déjà assigné.
Un jour, quelqu’un lui dit qu’elle devrait pousser la chansonnette, qu’elle dispose d’atouts suffisants pour y croire. Alors elle se lance à tâtons, relit dans des petits clubs les standards de jazz ou de bossa qui l’ont bercée, hante d’une voix à la fois franche et lointaine des disques qui ne lui appartiennent pas, gagne l’amitié de musiciens chevronnés qui l’aident à s’inventer un monde. Avec eux, elle peaufine pendant trois ans un premier album qui, si l’on en croit la rumeur, devrait lui apporter la gloire sur un plateau d’argent, d’or ou de platine.
La fille en question s’appelle Cibelle Cavalli Bastos. Elle est née il y a vingt-cinq ans à São Paulo. Une lecture cursive de son CV pourrait laisser penser qu’elle est la petite sœur brésilienne de Carla Bruni. A ceci près qu’elle ne chante pas avec un chaton dans la gorge et qu’elle ne fait pas dans le grattouillis folk. Son truc à elle, ce serait plutôt la quête d’une musique cosmopolite et cohérente, qui saurait relier en un même faisceau les énergies de la bossa, de l’electro, de la samba-soul, du jazz, du trip-hop et de la pop. Une version réactualisée et lustrée du tropicalisme, emballée sous les atours d’une mise en son modérément expérimentale, comme la scène bidouilleuse de São Paulo aime à en produire.
Cibelle est né de leurs longues jam-sessions, d’échanges intenses pendant lesquels la Brésilienne s’est plu à « regarder les mains et les yeux de chacun ». C’est aussi le disque volontairement fébrile d’une femme qui se décrit comme une « accro » ? au café, à l’œuvre supérieure de Tom Jobim, à l’odeur des vinyles qu’elle collectionne et sample, aux trésors musicaux de partout et de toujours, à la vie en général.