“Doo Rag utilise des guitares slide, un aspirateur, des boîtes en carton, un seau et un oscilloscope.” On a beau chercher, pas un remerciement de rigueur aux batteries Pearl, aux amplis Marshall et aux guitares Flying V sur la pochette de ce duo psychiatrique. Toutes marques ravies de ne pas être associées à ce jeu […]
« Doo Rag utilise des guitares slide, un aspirateur, des boîtes en carton, un seau et un oscilloscope. » On a beau chercher, pas un remerciement de rigueur aux batteries Pearl, aux amplis Marshall et aux guitares Flying V sur la pochette de ce duo psychiatrique. Toutes marques ravies de ne pas être associées à ce jeu de massacre, auquel n’échappe pas le pauvre Muddy Waters, dont on a du mal à identifier le cadavre explosé sur un Can’t be satisfied sadiquement disséqué. Pas étonnant que Doo Rag soit si copain avec Beck ou les Cramps : ici aussi, le jeu consiste à prendre les fondements de la musique américaine pour leur faire subir les ultimes outrages. Le blues ne se relèvera qu’en boitant de ce cyclone : jamais sa chaise roulante n’a dévalé les collines du Mississippi à une telle vitesse, jamais ses vieux doigts n’ont couru aussi vite et aussi mal sur un manche de slide-guitar. Pas un jouet à mettre dans les mains des jeunes, le blues. Ces triples buses, en trois chansons, l’ont déjà tout cassé et remonté à l’envers, comme ces gamins qui partent d’un tracteur Meccano pour fabriquer une mitraillette. On a beau tenter de reconnaître ces quelques chansons qui portent le crédit « chant traditionnel », on n’y voit que cruauté et laminage en règle de toute tradition. Vicieux, on irait même jusqu’à parler de blues-art, comme il y eut un pop-art dans l’antiquité. Mais Doo Rag, à l’évidence, ignore tout de l’esthétisme, trop occupé à pisser dans son violon, à pendre le blues avec les fils barbelés de sa slide-guitar.