Deux ans après le furieux Camp, le rappeur américain Childish Gambino revient avec un second album plus apaisé, en forme de thérapie. Rencontre, critique et écoute.
La nuit est déjà tombée depuis plusieurs heures sur Londres lorsque Childish Gambino – Donald Glover pour l’état civil – arrive dans les locaux de son label. Le jeune homme a l’air épuisé, et surtout très peu disposé à attaquer deux heures d’interview pour discuter de son second disque, Because the Internet. Le rappeur a beau être aussi acteur (dans la série US Community jusqu’à début 2013, et plus récemment dans Girls), on n’aura pas le droit à une grande démonstration de comédie promotionnelle : “Je ne veux pas faire d’interview, je préférerais qu’on discute plutôt”, lâche-t-il très clairement à peine assis. “De quelque chose en particulier ?”, hasarde-t-on. “Non, de la vie. Tu peux enregistrer tout ce qu’on va se raconter, je m’en fous”, précise l’Américain avec autant d’enthousiasme qu’un parcmètre. C’est ainsi qu’on se retrouve à ranger nos questions et à se lancer dans une conversation sans but et sans fin avec Glover qui, notons-le, se révèle bien moins froid qu’au premier abord. On parle de la vie donc, de la dépression, de la mort, notamment celle du journaliste sportif Martin Manley, qui a documenté son suicide sur un site dédié, de chaussettes à motifs chatons, d’internet et des réseaux sociaux évidemment.
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“Les gens n’ont plus vraiment de conversations. »
Car pour comprendre Childish Gambino, sa musique et ce deuxième disque, il faut toujours garder en tête que Glover est un enfant du net – Twitter en avait même fait le potentiel premier Spider-Man noir de l’histoire il y a quelques années. Pas étonnant alors que le bien nommé Because the Internet parle de l’outil et de ses possibilités infinies, mais aussi de la solitude qui peut en découler et de la façon dont elle a enfermé le trentenaire dans sa propre bulle. “Les gens n’ont plus vraiment de conversations. Un être humain peut connaître cent cinquante personnes intimement dans sa vie et, parallèlement, on a tous un million de potes sur Facebook et Twitter. Je rencontre de nouveaux gens tous les jours quand mes arrière-grands-parents, eux, rencontraient une nouvelle personne tous les quatre ans. Et ils s’en rappelaient, tout simplement parce que ça n’arrivait pas tous les jours. Moi, je ne me rappelle jamais de personne. Je ne pense pas qu’on ait de vrais contacts humains sur internet. J’ai envie d’être connecté aux gens pour essayer de rendre les choses meilleures maintenant”, explique Glover dans un langage un peu cryptique.
Rendre les choses meilleures ? On n’en saura pas plus, sinon que la chose passe d’abord par un travail cathartique à travers son second album où il raconte l’histoire d’un alter ego coincé dans le monde virtuel, dans son éphémère célébrité et dans sa solitude. Le tout avec des featurings en béton (Azealia Banks, Chance The Rapper, Jhené Aiko). Plus calme et posé que Camp (“un album qui sonnait comme si j’avais 13 ans. J’étais en colère”, souligne Glover), ce deuxième essai introspectif voit l’Américain filer doux, troquer les grosses instrus vénères de Bonfire contre des cuivres, du r’n’b plus sucré et même du piano (Playing around Before the Party Starts) sans pour autant renoncer à son flow flexible, agile et ciselé (3005). Un disque plus Glover que Gambino, donc.
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