A peine franchie la porte capitonnée et très surveillée qui conduit aux coulisses des 27es Victoires de la Musique, une rumeur folle commence à se répandre à l’intérieur du Palais des Congrès. L’an prochain, la cérémonie pourrait se dérouler au Salon de l’agriculture, qui se tient au même moment, histoire de mutualiser ces deux évènements qui consistent […]
A peine franchie la porte capitonnée et très surveillée qui conduit aux coulisses des 27es Victoires de la Musique, une rumeur folle commence à se répandre à l’intérieur du Palais des Congrès. L’an prochain, la cérémonie pourrait se dérouler au Salon de l’agriculture, qui se tient au même moment, histoire de mutualiser ces deux évènements qui consistent à exhiber pour des prix honorifiques les plus beaux bestiaux de l’année, des poulains et pouliches mais aussi pas mal de veaux, ainsi qu’un grand nombre de chevaux de retour, lesquels seront les vrais bénéficiaires de la soirée.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Personnellement, je tiens avant même de poser mon manteau à protester auprès de l’organisation, en l’occurrence de son président Vincent Frèrebeau, à propos de l’ostracisme manifeste dont a été victime celui qui a mes yeux était la seule véritable révélation chanson de l’année dernière, à savoir Christophe Hondelatte.
Ignoré, voire méprisé par la profession sous prétexte qu’il n’appartiendrait pas à ce monde décidément verrouillé des variétés et de la chansonnette, l’auteur de Docteur House c’est pas Mickey Mouse est la preuve vivante des scléroses de ce pays, où toute forme de reconversion est inenvisageable.
Enfin, pas pour tout le monde. La chanteuse Zaz, par exemple, nommée pour la seconde fois en deux ans, était auparavant vendeuse à la criée à Rungis, où elle se tirait parfois la bourre avec Izia, autre nominée à nous offrir désormais une vue plongeante sur ses amygdales. Prévenant, j’ai amené des boules Qiès.
Bien décidé à faire état des vrais problèmes du monde dans ce compte-rendu, histoire de ne pas passer pour un vil mondain désengagé des souffrances d’autrui (comme on dit au Salon de l’agriculture), je décide de m’entretenir d’entrée de la crise grecque en compagnie de Nana Mouskouri. « Tou verras, m’avait prévenu son manager, sour la clise gleque, Nana hellénique tous ! »
Tu parles ! A peine engagée la conversation, je m’aperçois qu’il ne s’agit pas de l’immortelle interprète de L’enfant au tambour et de (citation de mémoire) Enlève-moi cette feuille de vigne et balance ton tzatziki, mais bien d’une des chanteuses de Brigitte. Pas la moche, l’autre moche. Au point où j’en suis, je lui demande une faveur en forme de gage : si elle monte sur scène, en hommage à Gérard Rinaldi, elle devra chanter le premier couplet de Une Histoire Merveilleuse des Charlots. Elle accepte de bonne grâce mais la séquence a finalement été coupée au montage.
http://dailymotion.com/video/xp7cqg
Oui, sachez-le, téléspectateurs de France 2, on vous balade ! La cérémonie n’avait pas lieu en direct, il s’agit d’une terrible escroquerie ! Il suffit de voir le palmarès : Hubert Jean Felix Lalanne Thiéfaine, Jean-Louis Aubert, Catherine Ringer, Laurent Voulzy… En réalité la soirée avait lieu en 1983, d’ailleurs le Palais des congrès qui brillait à l’époque de mille feux n’existe plus depuis bien longtemps. Et au milieu de cette confusion spatio-temporelle, personne pour s’émouvoir que le président Mitterrand ait ainsi décidé de nommer son neveu au ministère de la Culture.
A ce propos, au bar réservé à la presse, comme chaque année c’est Jack Lang qui arrive en premier. Il n’y a tellement personne à saluer qu’il en est même réduit à me serrer la main. Il me confie d’ailleurs qu’il est là depuis la veille. Il s’est fait enfermer dans la boutique Armani toute proche pour pouvoir se faufiler dès l’aube avec les machinistes et gratter ainsi la politesse à tous les ministres de la Culture présents, passés et futurs.
Je tente encore une approche sur la crise avec Jack, en lui soumettant cette réflexion : viendrait-il à l’esprit des industriels de la métallurgie, ou du textile, de se remettre ainsi une fois par an des récompenses ? D’autant plus que, selon nos sources, certains artistes honorés il y a quelques années, et oubliés depuis par cette profession ingrate et versatile, en sont désormais réduits à revendre leurs trophées à des ferrailleurs pour payer leur loyer.
Bon, Jack est parti entre temps saluer la vendeuse de cidre Nolwenn Leroy, qui termine ces jours-ci son album en Occitan avec des featurings de Jean-Michel Apathie et Jean-Michel Baylet. La chanteuse de Brigitte (pas la moche, l’autre moche) me souffle à l’oreille que ça pourrait faire un chouette nom de groupe, Les Jean-Michel.
Un constat, néanmoins, la crise est si profonde cette année que les traditionnels canapés et autres amuse-gueules généreusement offerts d’habitude par France Télévisions ont été remplacés par des chips Lidl et des olives – grecques, tout un symbole.
Heureusement, dans sa loge Mika a fait grande provision de gâteaux, notamment des financiers, tant il est vrai que ce sympathique chanteur multilingue a presque à lui seul financé l’industrie musicale en crevant tous les plafonds avec son single interdit aux plus de douze ans, Elle me dit.
Mais tandis que Mika débouche une bouteille de Champomy, dehors une cohue monstrueuse est en train de se former, signe qu’une superstar (enfin !) vient de faire son apparition parmi les étoiles de second calibre croisées jusqu’ici. Vu le barouf et l’empoignade entre les cameramen qui suivent ce bruyant cortège, il ne peut s’agir que de Bob Dylan, venu peut-être à l’occasion de l’exposition qui lui est consacrée à La Cité de la musique. Ou Bruce Springsteen, qui sort un nouvel album. Ou Mick Jagger et Keith Richards réunis pour remettre un prix à Jean-Louis Aubert.
Mais la réalité est encore plus incroyable : il s’agit de François Hollande ! Le candidat à la présidentielle a plus de chance que son rival aux fêtes de Bayonne. Ici il est accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par cette profession majoritairement constituée il est vrai de gauchistes, d’intermittents du spectacle et de journalistes bobos – à l’exception de quelques patrons très UMPistes.
D’ailleurs, Hollande pouvait largement pavoiser. Pendant qu’il saluait Biolay, Julien Clerc, Alain Chamfort ou Orelsan, personne du camp d’en face pour tenter un parasitage, à l’exception de Frédo Mitterrand, ce qui ne compte pas vraiment. On a bien croisé sur le quai du métro en arrivant Franck Riester, de l’UMP, mais il semblerait que ce dernier n’ait jamais réussi à trouver l’entrée des coulisses. Quand ça veut pas…
La soirée était bien entamée, tout comme le chanteur Arno, lorsqu’on vit débouler en courant, furibarde, la Dame en noir, semblant crever le ciel. Oui, nous ne rêvions pas, Arno et moi, c’était bien Barbara en personne. Expulsée de sa tombe en entendant Zaz massacrer l’une de ses chansons, elle était venue corriger cette profanatrice de ses propres mains, et nous l’y aidâmes (comme dirait Hollande au stand fromage du Salon de l’agriculture) avec grand plaisir.
L’autre événement surnaturel eut lieu un peu plus tard, lorsque Jean-Louis Aubert chanta complètement faux sur France 2 tandis qu’au même moment, sur TF1, son ancien complice de Téléphone en resta pétrifié sur son fauteuil de jury de The Voice. L’égorgement de poulet, l’année prochaine, sera à coup sûr l’une des catégories reines.
Christophe Conte
Le Palmarès
Artiste interprète féminine: Catherine Ringer
Artiste interprète masculin: Hubert-Félix Thiéfaine
Artiste révélation du public: Orelsan
Artiste révélation scène: Brigitte
Album de chansons: Thiéfaine pour Suppléments de mensonge
Album rock: Isia pour So Much Trouble
Album de musiques urbaines: Orelsan pour Le Chant des sirènes
Album de musiques du monde: Jehro pour Cantina Paradise
Album de musiques électroniques ou dance: Justice pour Audio, Video, Disco
Chanson originale: Jeanne de Laurent Voulzy
Spectacle musical / tournée / concert: Jean-Louis Aubert
Vidéo clip: La Seine, de Vanessa Paradis et M
DVD Musical: Les Saisons de passage de M
{"type":"Banniere-Basse"}