Nom à coucher dehors, mais disque pour lequel on se relève la nuit : une pop pastorale qui réchauffe l’espace vital. Scud Mountain Boys, The Pernice Brothers et maintenant Chappaquiddick Skyline, l’œuvre consiste pour l’instant en une petite demi-douzaine de disques. Trois fois rien à l’échelle du monde, déjà une somme inestimable pour ceux qui […]
Nom à coucher dehors, mais disque pour lequel on se relève la nuit : une pop pastorale qui réchauffe l’espace vital.
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Scud Mountain Boys, The Pernice Brothers et maintenant Chappaquiddick Skyline, l’œuvre consiste pour l’instant en une petite demi-douzaine de disques. Trois fois rien à l’échelle du monde, déjà une somme inestimable pour ceux qui voient en Joe Pernice l’une des plus fines lames tirées des fourreaux américains au cours de la dernière décennie. Mêlé un peu hâtivement au peloton de l’alternative country, ce label qualité qui sépare désormais aux Etats-Unis le bon grain des grosses bouses, Pernice, qui est homme de distinction, n’a aucun mal à se distinguer des jeunes cowboys ordinaires. Ce nouveau projet un peu marginal, présenté sous pochette bleue dépressive, et dont la phrase introductive (« I hate my life ») augure d’assez pesantes atmosphères, renoue en fait avec la grâce élégiaque du second Scud Mountain Boys. Soit des orchestrations à la beauté fantomatique, comme descendues directement des astres, élaguées à partir d’un petit bouquet d’instruments acoustiques traités avec une patience horticole. Depuis le premier Sparklehorse, on n’avait plus ressenti de vibrations aussi foudroyantes, une chaleur immédiate envahir tout l’espace, des chansons aussi simples se hisser à telle intimidante hauteur. Les orphelins inconsolables de Chris Bell pourraient bien trouver en Joe Pernice une nouvelle Big Star à suivre aveuglément. Quant à ceux qui doutent de la pertinence du songwriting old-school à l’aune du nouveau siècle, leurs convictions devraient s’en trouver fort ébranlées. Car on n’a pas affaire ici au tout-venant du jingle-jangle country-pop pour nostalgiques byrdsiens, Joe Pernice fuyant avec une belle audace les embouteillages pour investir des voies vicinales non encore visitées. Hormis l’immédiatement charmeur Courage up, pop-song d’une pureté à pleurer, le reste évoquerait plutôt une tentative d’inventer depuis une chambre close des horizons sans fin, de ramener les grands espaces à la proportion d’une alcôve. Un titre comme Solitary swedish houses pourrait bien donner un indice : Joe Pernice, depuis sa tanière du Massachusetts, serait-il le plus bergmanien des songwriters contemporains ?
A travers le miroir déformant d’une Amérique réduite à l’état d’un mirage (l’île de Chappaquiddick pour ligne de mire, soit une illusion forcément perdue), le visage que ses chansons renvoient est avant tout celui des tourments domestiques et des détresses intimes, sa voix d’angelot et son petit univers harmonieux ne parvenant jamais à poudrer complètement la profondeur des stigmates. Pour compagnons de cafards, Joe Pernice s’en est allé chercher d’improbables cousins : il exhume ainsi de nos mémoires adolescentes une vieille scie encore tranchante de New Order, Leave me alone, dont il rend une version à la fois fidèle (basse monolithique, arpèges grenus, mélodie émiettée) et totalement réincarnée.
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