Depuis 1991, Polly Jean trace une route musicale parsemée d’expérimentations. Sa colère des débuts s’est apaisée, laissant la place à un bonheur possible. “I Inside the Old Year Dying”, son nouveau disque, semble tirer sa puissante simplicité de la lande du Dorset où elle a grandi.
Comment devient-on une icône ? Comment PJ Harvey est-elle devenue une icône ? Avec du son, des mots et de l’image. Une attitude, une silhouette. Une voix, une guitare. Mais changeantes, malléables. Insondables. Assurance frondeuse, crachats de vulnérabilité douloureuse. Voici peut-être la magie PJ, celle qui échappe. Depuis ses débuts en 1991, chaque nouvel album de PJ Harvey excite, chaque parole de PJ Harvey excite, chaque apparition de PJ Harvey excite.
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Indémodable icône pourtant retirée de tout star-system, plongée dans l’expérimentation musicale, la quête, inlassable, pour exprimer avec justesse ce qui palpite en elle, et qu’elle a, elle-même, du mal à exprimer hors de sa musique. Il ne faut pas demander à PJ de raconter PJ, encore moins Polly Jean. Pas trop, du moins.
Notre entretien se fera par téléphone, alors qu’il faudrait passer des journées entières avec elle, la voir évoluer dans l’agitation londonienne, où elle a toujours un pied-à-terre, la suivre à la Tate Modern, où récemment elle s’est extasiée devant les sculptures de la Slovaque Mária Bartuszová, et à la galerie White Cube, où elle a aimé celles de la Française Marguerite Humeau. La voir se baigner dans les lacs du Dorset qui lui procurent un bien-être immense, dit-elle, et l’entendre rire à gorge déployée avec ses ami·es qu’elle mentionne à plusieurs reprises. Car PJ rit, oui.
C’est elle qui le dit, insiste même : “J’adore rire ! Je suis heureuse quand je ris et mes amis sont des gens très drôles.” Elle est allée voir l’humoriste anglais Ricky Gervais en spectacle. “Je l’adore ! Ses séries TV comme son stand-up. J’aime le stand-up, s’exclame-t-elle. Comme Dylan Moran, un stand-upper irlandais. J’ai toujours adoré Jerry Seinfeld par exemple. J’adore rire.” On lui fait remarquer que sa musique n’a jamais été très drôle, pourtant. “Il y a de l’humour. Surtout dans les premiers albums où il y a même beaucoup d’humour. Pas tellement sur celui-ci c’est vrai, qui est tourné vers l’intensité, la recherche de ce qui importe.”
On y entend des exclamations d’enfants, de cour d’école même. Mais aussi un ruisseau, du vent, des oiseaux
Mais qu’est-ce qui importe à PJ Harvey ? Le cycle de la vie et de la mort, que l’on retrouve dans le titre même de son nouvel album : I Inside the Old Year Dying. On y entend des exclamations d’enfants, de cour d’école même. Mais aussi un ruisseau, du vent, des oiseaux. Un album titillé de field recording, d’une puissante simplicité, patiemment dénudé pour mieux exprimer la force du squelette et des racines, la mélodie à l’os, le sentiment comme une claque, sans le tralala de la fioriture, du pathos, du lyrisme. Blanc, noir, radical, franc, élégant.
L’image a toujours été très présente chez PJ Harvey
À l’image de sa pochette, branche d’arbre dont l’ombre s’étend sur un aplat blanc. Cela fait trois albums que PJ Harvey a choisi de ne plus s’exposer en cover, laissant place à d’énigmatiques images. “Je travaille avec la merveilleuse artiste Michelle Henning depuis Let England Shake [2011]. Je partage avec elle mes paroles, mes pensées, mes dessins. Je dessine très souvent en écrivant. Je lui fournis beaucoup d’informations avec lesquelles elle repart. Au bout d’un certain temps, elle revient avec des images, et nous en sélectionnons ensemble en fonction de ce qui représente le mieux mon travail. Elle est donc revenue avec cette photo d’une branche, qui m’a paru pertinente puisqu’elle distille l’œuvre, elle la met à nu. Comme s’il n’en subsistait que les restes. Elle marie le naturel et l’artificiel. La photo est naturelle mais l’ombre ne l’est pas, et le tout est emballé dans un film plastique. J’aime qu’elle assemble la machine et l’organique, comme beaucoup de paroles de mes chansons. Pas que les paroles, mais les sons de l’album, un mélange d’instruments et de créations numériques.”
L’image a toujours été très présente chez PJ Harvey : gros plan sur ses lèvres dont le rouge avait coulé (ou bien était-ce le stigmate d’un coup ?) sur l’album Dry (1992) ; relecture du tableau préraphaélite Ophélie de Millais sur la pochette de son chef-d’œuvre To Bring You My Love (1995) ; lunettes noires et photo prise comme à la volée dans la rue sur Stories from the City, Stories from the Sea (2001) ; robe blanche, visage diaphane et glacial sur White Chalk (2007)…
PJ Harvey joue avec les codes de la féminité romantique, et les tord jusqu’à les faire grimacer, asseyant sa complexité faite d’angoisses, de fureur, de folie. Longtemps, PJ Harvey a fui l’étiquette féministe qui lui allait pourtant comme un gant, elle qui parlait de sexe crûment – “You leave me dry” (“Tu me laisses sèche”) sur Dry, “Just take that fruit put it inside/You snake you dog you fake you liar/I’ve burned my hands I’m in the fire” (“Prends ce fruit et mets-le-moi/Espèce de serpent de chien d’imposteur de menteur/Je me suis brûlé les mains je suis dans le feu”) sur Snake.
“Le visuel est toujours allé de pair avec les mots. Dans mon esprit, je crée des images au fil des albums”
Elle qui déboulait dans le milieu hautement masculin du rock avec sa guitare en bandoulière et devenait pour certains un objet de désir sexuel plus qu’une artiste, la fameuse couv du NME de 1992 la montrant nue, de dos, avec pour titre “Polly Takes Off” (“Polly décolle” mais aussi “Polly se déshabille”), ajoutant de l’eau à ce moulin détestable.
Pourtant, dès le départ, PJ Harvey se joue des images à la Bowie : combinaison rose fuchsia ouverte sur un soutien-gorge noir et paupières peintes en bleu flashy sur ses concerts de 1995, ou bien silhouette noire perchée sur de hauts talons modernistes, longue chevelure raidie, tête ceinte de plumes noires et saxophone en main en 2018. PJ est multiple, polymorphe, mettant en scène une galerie des glaces qu’elle organise elle-même plutôt qu’elle ne s’y perd.
“L’image m’importe, confirme-t-elle aujourd’hui. La façon dont je représente la musique sur scène, notamment. Ça a toujours été le cas. Je viens des arts visuels, j’ai fait une école d’art. Le visuel est toujours allé de pair avec les mots. Dans mon esprit, je crée des images au fil des albums.” PJ Harvey est l’icône de la féminité troublée, qu’elle mythifie en dévoilant les câbles électriques qui lui grimpent le long de l’échine. Un jour, Courtney Love a dit d’elle : “L’unique rock star qui me fait dire que je suis une merde, c’est Polly Harvey. Je ne suis rien comparée à sa pureté.”
“Beaucoup de mots disent déjà la chose qu’ils désignent. Tu vois ce que je veux dire ?”
Elvis Presley et l’Évangile selon Saint-Jean
À défaut de repères, à défaut d’icônes et de modèles, PJ Harvey invente et s’invente, exprimant sa vérité au travers de personnages de fiction, de contes, empruntant souvent à l’imagerie biblique. Son nouvel album en est d’ailleurs truffé. Difficile de tout décoder, d’autant qu’elle l’a écrit en dialecte du Dorset, comme son recueil de poésie, Orlam, paru en 2022.
“J’aime la forme de ces mots. J’ai toujours été intéressée par les racines des langues. Le langage me guide en tant qu’autrice. Quand j’ai découvert ce dialecte, j’ai été troublée par la beauté des mots, combien leurs sonorités disaient en elles-mêmes leurs significations. Beaucoup de mots disent déjà la chose qu’ils désignent. Tu vois ce que je veux dire ? Avec ces mots du Dorset, il y a un lien guttural, naturel, organique aux choses qu’ils désignent.” Chez PJ Harvey, les mots ont autant de poids que les sons et les images.
D’ailleurs, c’est par eux qu’elle débute désormais. “Depuis l’album Let England Shake, je commence par écrire des mots sur une page. Je les travaille jusqu’à ce qu’ils aient une forme forte, même sans musique. J’écris au départ avec un papier et un stylo. Après deux ou trois brouillons, je passe à l’ordinateur car c’est plus simple à mettre en page. Mais le premier jet part d’un flux de conscience. C’est une forme libre que permettent le stylo et la feuille, qui sont directement en connexion avec le corps et l’esprit, et facilitent le jaillissement.”
L’inspiration, elle, vient de partout et de nulle part. Du moins le mystère reste entier : “J’ai pu écrire des chansons à partir de scènes de films qui m’ont frappée, d’un tableau qui m’obsède, d’une nouvelle que j’ai lue, ou d’un paysage très beau. Parfois, une chanson vient d’une phrase que j’ai entendue dans une conversation. Ou de deux mots.” PJ Harvey est curieuse.
Là encore, c’est elle qui le dit. Elle écoute la radio, lit la presse culturelle pour savoir quel film aller voir en priorité, écume les galeries et les musées. Ses derniers coups de cœur : Music for Animals de Nils Frahm et A Light for Attracting Attention de The Smile, nouveau groupe de son ami Thom Yorke, qu’elle est allée voir en concert à Londres.
“Ils ont inventé une nouvelle forme musicale que je n’avais jamais entendue auparavant. Ce qui m’excite, c’est quand les artistes parviennent à créer quelque chose qui soit si nouveau que je n’ai aucun point de comparaison, et que je doive prendre le temps de le comprendre.” Est-ce également ce qu’elle recherche dans cette création ? “Exactement, toujours. J’explore de nouvelles possibilités musicales, de nouvelles façons d’écrire. Je suis aussi guidée par la beauté. J’en ai besoin.”
“Elvis, c’est le soldat de l’Amour, mais aussi une figure de désir, d’envie”
Effectivement, les nouvelles chansons de PJ sont peut-être encore plus troublantes que les précédentes. Sur Lwonesome Tonight, avec un “w” comme dans le dialecte du Dorset, elle cite Elvis Presley et l’Évangile selon Saint-Jean. “J’ai toujours été intéressée par la Bible. Ça a été une grande partie de ma vie. Pour cet album qui parle de la quête de sens, ça me paraissait plus qu’approprié. L’utilisation des icônes, des figures sacrificielles, de Dieu. Quant à la figure d’Elvis qui geint, c’est un jeu avec le fait que le prénom Elvis, dans la chrétienté, signifie ‘all-wise’, donc une personne extrêmement sage. C’est le soldat de l’Amour, mais aussi une figure de désir, d’envie.” Débrouillez-vous avec ça.
Une fille du Dorset
L’explication de texte de PJ Harvey n’ira pas plus loin. Peut-être qu’elle-même n’a pas encore tout saisi de ces paroles qui retiennent “une part de mystère” à ses yeux. “Cet album est très intrigant pour moi. Et j’adore ça chez moi, comme chez les autres. Ces œuvres que tu écoutes encore et encore, ou ces films que tu regardes encore et encore, car tu ne les as jamais totalement compris. Ça a été un album très difficile à faire. J’ai mis des années à comprendre comment l’enregistrer, à me demander si je devais persévérer. J’avais au départ enregistré mes morceaux au téléphone, et je ne parvenais pas à les ré-enregistrer. Peut-être n’était-ce pas le bon moment pour cet album ? Mais quelque chose m’y ramenait. Je ne pouvais pas abandonner ces morceaux. Je suis très heureuse d’avoir persévéré.” Elle a failli laisser tomber à plusieurs reprises.
Il fallait se convaincre d’aller au bout. “Ça m’a coûté beaucoup d’argent !”, lâche-t-elle en riant. Une fois cet album fini, la première personne à l’écouter est sa mère, puis son frère. La réception de son travail lui importe certes, mais pas autant que “ce sentiment très fort, en [elle], de ne pas pouvoir faire mieux, de l’avoir amené aussi loin qu’[elle le pouvait].”
Ses parents exploitent une carrière de grès, mais sont surtout des hippies qui organisent des concerts
La magie PJ émane de la lande du Dorset. De ses rivières et de ses lacs dans lesquels elle s’ébattait, enfant. Il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire à Corscombe, hameau entouré de vaches, de moutons, de poules et de chiens, où elle naît en 1969. Ses parents exploitent une carrière de grès, mais sont surtout des hippies qui organisent des concerts de blues et de jazz dans le village.
Ils écoutent Bob Dylan, Joan Baez, Marianne Faithfull, The Rolling Stones, Captain Beefheart ou encore John Coltrane. Polly Jean et son frère sont des enfants très libres, encouragé·es à se perdre dans la nature comme dans leurs rêveries. À 5 ans, elle écrit son premier poème, “au fond du jardin, près de la rivière, dans un petit carnet, racontait-elle au Guardian en 2022. Il parlait d’un renard, et je prenais la voix du renard… J’étais le renard. Je l’ai toujours car ma grand-mère l’a sauvegardé et je l’ai retrouvé et j’étais si émue qu’elle l’ait gardé…”
En 1992, dans sa première interview aux Inrocks, elle se souvenait : “J’étais un vrai garçon manqué jusqu’à l’âge de 14 ans, le jour où j’ai porté une jupe pour la première fois de ma vie. Je rêvais d’être un garçon, ça en devenait presque une maladie. Mes seules fréquentations étaient les copains de mon frère. Il n’y avait pas la moindre fille dans notre bande, il n’y en avait d’ailleurs aucune dans le coin. Je n’ai jamais eu la moindre copine, les filles ne m’intéressaient pas et m’étaient totalement étrangères. Être garçon manqué à ce point-là, c’est à la limite du malsain. Tout ce qui m’intéressait était de jouer à la guerre avec les gars du village. Nous construisions des camps militaires dans les champs, nous nous battions sans arrêt. Je ne voulais surtout pas de filles autour de nous, elles m’emmerdaient avec leurs conneries de poupées.” De là viendra peut-être sa confusion entre féminisme et défense d’une féminité caricaturale, qu’elle abhorre.
“Je cherchais à comprendre le monde en l’écrivant et en le dessinant”
Lorsqu’on lui demande aujourd’hui quel type d’enfant elle était, PJ Harvey répond : “Une enfant curieuse. Je cherchais à comprendre le monde en l’écrivant et en le dessinant. J’avais toujours un carnet de dessins. J’aimais observer. Je me souviens des bruits de la rivière et des pigeons. Il y en avait plein là où je vivais. Enfant, on traverse toujours des moments d’ennui. Mais aussi de curiosité que l’on perd en grandissant. Ado, bien entendu, je voulais rejoindre une ville, et vite !”
Un monde hanté et magique
À 16 ans a lieu une rencontre décisive. Il s’appelle John Parish, a dix ans de plus qu’elle, et un groupe baptisé Automatic Dlamini, avec lequel PJ Harvey va se mettre à tourner durant quelques années, avant de former son propre trio. Nous sommes alors en 1991, l’année du Nevermind de Nirvana, du Blue Lines de Massive Attack, du Loveless de My Bloody Valentine.
Un an plus tard paraît son premier album sur le label Too Pure. Dry, sec, ou plutôt sèche. Du rock qui cogne, mais déversé par une femme. Avec ce morceau qui va rapidement devenir culte : Sheela-Na-Gig. Pourquoi lui ? Car le Sheela Nag Gig est une sculpture représentant une sorte de monstre doté d’un sexe féminin béant, ouvert, jambes écartées. Image forte, déjà. Dans le morceau du même nom, PJ Harvey se fait traiter de Sheela Na Gig et semble retourner le stigmate afin de le brandir.
Au même moment, à Olympia (État de Washington, États-Unis) rugit le mouvement Riot grrrl, porté par les Bikini Kill et leur chanteuse Kathleen Hanna, qui barre son ventre d’un frondeur “Slut” (“salope”). Comme elles, PJ crache la colère d’être une femme dans un monde patriarcal, la blessure de ce corps tout à la fois désiré et honni, qu’elle mettra en scène comme on hisserait un drapeau, pour asseoir son territoire, même douloureux et brinquebalant. Mais son expression dépasse le périmètre du féminisme. PJ Harvey aimerait exister en tant qu’individu, en tant qu’artiste et se voit constamment ramenée à son sexe féminin. La presse l’appelle “la pétroleuse”, commente chaque centimètre de ses jupes, chaque refus de s’étendre sur sa vie privée.
Sur “I Inside the Old Year Dying”, PJ Harvey retrouve “une petite échelle”, explique-t-elle.
PJ Harvey, dans sa capacité à déverser sa douleur et sa colère tout en brodant un monde hanté et magique, a peu d’égales. Si ce n’est Patti Smith, à qui on la comparera souvent, notamment sur Good Fortune, extrait de l’album Stories from the City, Stories from the Sea, hymne enlevé et effervescent. Le jeu sur l’étrangeté la rapprocherait, aussi, de Kate Bush, qui s’amusait dans un étourdissant premier/second degré avec Les Hauts de Hurlevent et la romantique lande anglaise balayée par les affres de l’amour. Pourtant, elle ne les citera pas, ni lors de cet entretien ni lors de précédents.
Préférant parler des chocs esthétiques à l’écoute de Tom Waits et Your Funeral… My Trial de Nick Cave & the Bad Seeds. “Je n’oublierai jamais. Je ne savais pas ce que j’écoutais. Je n’avais jamais entendu ce type de musique auparavant. Ça a changé le cours de ma vie, le cours de mon approche musicale.” C’est John Parish qui les lui fait découvrir. Tout le monde connaît le reste de l’histoire… L’amour passionné avec Nick Cave, la rupture, la difficulté de s’en remettre et l’album du retour, Is This Desire? (1998).
Récemment, sur Let England Shake et The Hope Six Demolition Project (2016), l’une des plus grandes stars de la musique alternative des années 1990 avec Björk avait mis de côté l’exploration de son moi le plus profond pour raconter les affres de son pays, de la civilisation, du monde, allant à la découverte du Kosovo, de l’Afghanistan aux côtés de son ami photographe Seamus Murphy. Sur I Inside the Old Year Dying, PJ Harvey retrouve “une petite échelle”, explique-t-elle.
Regard sur le passé
Elle retrouve, aussi, John Parish et Flood, ses deux collaborateurs historiques qu’elle ne quitte plus. “Nous nous comprenons et nous faisons confiance. Ce qui nous permet d’expérimenter avec une grande ouverture. De ne rien avoir qui nous retient. Ils sont aussi très exigeants. Ils ne veulent pas répéter ce qu’ils auraient déjà fait. Ils me challengent, même après tant d’années.”
PJ Harvey semble apaisée. Elle parle de joie, de bonheur, du fait que la naissance et la mort sont les grands tournants d’une vie. Ses journées sont rythmées par des phases d’écriture en matinée, de composition l’après-midi. En 1992, elle racontait que ses morceaux naissaient de sa colère, anguleuse, cassante. “Ce n’est plus le cas aujourd’hui. [rires] En 1992, j’étais une jeune femme et quand on est jeune, on voit les choses différemment. Quand je joue aujourd’hui sur scène, je choisis les morceaux en fonction de ce que je peux toujours chanter avec authenticité.” Se sent-elle liée à celle qu’elle fut autrefois ?
“Mes souvenirs sont lointains : parfois, j’ai le sentiment que je regarde quelqu’un d’autre alors que c’est moi”
“C’est dur à dire… ça me paraît il y a une éternité. Mes souvenirs sont lointains. Parfois, j’ai le sentiment que je regarde quelqu’un d’autre. Alors que c’est moi. J’ai beaucoup d’affection pour cette version plus jeune de moi-même, et pour son travail, que j’adore toujours. Je l’écoute et l’adore. Mais je préfère me concentrer sur le présent, sur ce que je peux créer aujourd’hui en tant que femme plus âgée. Je suis curieuse du présent, de ce qui peut arriver là maintenant. Je ne pense pas tellement au futur non plus.”
Elle balaie la question sur l’IA, n’a pas tellement envie de s’étendre sur la marche du monde. Silence. Elle reprend : “Les chansons sont magiques pour moi. Pas seulement les miennes. Ce sont de petits sorts, de petits morceaux de pure beauté qui sont primordiaux dans la vie.” Depuis 1991, PJ Harvey nous jette de petits sorts, avec brutalité, fantaisie, et douleur. Remercions-la.
I Inside the Old Year Dying (Partisan Records/PIAS). Sortie le 7 juillet.
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