Chronique tardive d’un internaute pour un concert majeur : Lundi 26 mai 2003, Cat Power à La Laiterie, Strasbourg.
THE LOVE CATS
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Que peut-il bien y avoir entre les trois petits cochons et le Club des cinq ? Les quatre de Woman & Children qui à coup sûr ressortent leurs draps troués à chaque célébration d’Halloween, se déguisent en fantômes du Velvet et se font peur. Le sang des martyrs coule à flot dans les murs de la maison des braves où ils nous convient. La maîtresse de maison nous reçoit à la lueur d’un candélabre maudit, nous fait entrer et nous présente à son propre spectre affairé dans le grand salon à reproduire les poses et les vocalises opiacées de Nico à son harmonium, elle qui était aux yeux du capitaine Lou « der Mussolini » Reed le boulet imposé par Warhol, enchaîné à ses pieds le temps du premier album à la banane impérissable.
C’est à ce spectacle auquel on a droit dans cette vieille bicoque détraquée à la Rosemary s Baby avec dans le rôle de la mère de tous les maux la chanteuse au piano accompagnée de ses trois garçons ni plus jeunes ni plus vieux qu’elle. Tout le monde dans la famille joue et chante un peu faux, la banane new-yorkaise est toujours glissante. La mère poule aux cheveux d’or c’est un peu Courtney Love en vacances sur l’île aux enfants, avec du valium dans le gloubi-bougla. Mais à force de faire tourner les tables le plancher s’effondre sous nos pas, on se retrouve à la (Nick) cave à fond de (John) cale, étalé sur le cercueil rempli de la terre maudite du comte Nosferatu. Il avait les dents longues, le parquet s’est usé plus vite que prévu.
En s’échappant de cette demeure en courant à tombeau ouvert on aperçoit Chan Marshall de Cat Power perchée en haut d’une colline face à la lune comme Diane la chasseresse perdue dans une partie de chat perché dans les bois. Elle y entame un concert cathartique seule à la guitare et au piano avec ses démons qui lui plantent des banderilles dans l’échine. Elle va mal, elle tousse et crache ses poumons pendant les morceaux qu’elle enchaîne d’une traite comme autant de flèches imprégnées de curare décochées dans notre direction, du moins ceux qu’elle ne saborde pas en les laissant s’échouer comme de grosses baleines pour y revenir plus tard.
Le bel épouvantail va à confesse et nous donne la recette de son cocktail extatique : vin et codéine. Elle suit le précepte « heart attack and vine » de Tom Waits à la grappe, moins ringard que le « cigarettes and alcohol » d’ Oasis. Le chaos serpente entre les herbes folles à ses pieds, prêt à morde sa victime, l’inertie rampe le ventre à l’air. Puis la rupture salvatrice a lieu, Chan Marshall commence à voir la lumière au petit matin et se mue en femme libérée (tu sais c’est pas si facile) et radieuse.
Elle descend de sa colline suivie par ses nymphes dont Margarita « la isla bonita » au violoncelle et à la basse et entame en leur compagnie une procession ensoleillée vers le village des damnés où l’on met du curaçao dans son curare plutôt que de l’eau dans son vin. Derrière sa frange de mulet à la Nico son regard félin devient pétillant, on la sent enfin se relâcher pour atteindre de purs moments de grâce sans graisse, le chaton farouche a réussi à poser sa griffe 16 Cat Power.
On arrive finalement à bon port, où ça sent la morue jusque dans le c’ur des frites, le voyage se termine en triple révérence en reprenant les White Stripes (Dead leaves & the dirty floor), Bob Dylan(Knockin’ on heaven’s door) et Peaches (Fuck the pain away). On comprend qu’elle a fait la nique à sa solitude et son mal-être pour quelques instants au moins d’après l’évangile selon Saint-Chokebore I just fucked my loneliness away, it helped me for a minute or two. Limonade !
Nicolas WEIBEL
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