Guns N’ Roses sera cette année une des têtes d’affiche du festival Coachella. Le groupe d’Axl Rose aura représenté une bulle temporelle incontournable… tout en mettant en évidence l’incapacité d’un certain public rock à liquider son histoire.
Né au milieu des années 80 sous l’impulsion de membres des formations Hollywood Rose et L.A Guns, le groupe Guns N’ Roses, mené notamment par le chanteur Axl Rose et le guitariste Slash, provient d’un terreau glam et hard rock. La formation entretient dès le début de son histoire un folklore et un sens du récit rock’n’roll fait d’excès en tous genres : chambres d’hôtel ravagées, groupies déchainées, goût immodéré pour la drogue. Le groupe rencontre un succès phénoménal dès son premier album en 1987, Appetite for Destruction, avec des chansons comme Sweet Child O’Mine ou Welcome to the Jungle, dont les clips passent rapidement en rotation lourde sur MTV. Il faut dire que Guns N’ Roses obéit à une formule rock imparable, des riffs incontournables de sa musique jusque dans l’emballage de ses deux fortes têtes. D’un côté, le chanteur Axl Rose, cheveux longs et filasses, bandana, gueule d’éphèbe. De l’autre, Slash, guitariste frisé et épais, avec son éternel haut de forme vissé sur le crâne.
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Postulat obsolète et incapacité de renouvellement
Pendant très longtemps, le premier a cristallisé toutes les tensions et les contradictions de son groupe. Leader charismatique à la voix impressionnante, doté d’un sex appeal indéniable, Axl Rose est aussi connu pour être un leader autocratique un peu psychopathe sur les bords. Un certain goût pour l’auto-destruction, les riffs qui tachent et la débauche auront fasciné toute une génération d’adolescents enclins à des besoins de décharges électriques. Sauf que l’Histoire a rapidement balayé les attitudes carnavalesques, les torses bombés et les coupes de cheveux impayables du groupe. Si, de 1986 à 1992, les musiciens étaient peut-être effectivement les rois du monde, perchés sur le toit du « rock’n’roll circus » (selon la formule consacrée), leur principal problème reste que Nirvana est passé par là et a vite fait de remettre tout ce petit monde à sa place.
La dramaturgie MTV faisant décidément bien son travail, les rôles ont vite été assignés : d’un côté, le sensible, réfléchi et écorché vif Kurt Cobain, l’anti rock-star ultime. De l’autre, la brute épaisse virile Axl Rose, parangon de la déification du rockeur, raciste, homophobe et misogyne sur les bords. Et même si Guns N’ Roses a continué à remplir les stades après l’apparition du groupe de Kurt Cobain, le postulat des Californiens s’est vite trouvé absolument dépassé.
Depuis les années 90, il est désormais impossible de trouver un groupe de rock qui ne soit pas obsédé par une certaine idée de l’authenticité (notion qui veut tout et rien dire et qui pourrait aisément être vue comme une autre forme de construction et de posture, mais c’est un autre débat), née avec le punk à la fin des années 70, réactualisée par le grunge au début des années 90, plus vraiment remise en cause depuis. Dès lors, le rock à gros bras et la théâtralité de Guns N’ Roses n’avaient tout simplement plus lieu d’être, balayés par des repères culturels qui auront vite fait de les rendre caducs. Tant et si bien que vingt ans plus tard, la musique et la proposition générale du groupe sont devenues absolument aberrantes et impossibles à apprécier pour n’importe quel auditeur né après 1991.
Une liquidation interminable
Dire qu’aujourd’hui Guns N’ Roses ne signifie absolument plus rien relèverait presque du lieu commun, tant son attrait, tout à fait anachronique au vu de la production et des propositions musicales actuelles, ne fonctionne désormais plus que sur la nostalgie. S’il y a quelque chose à retenir du groupe aujourd’hui, c’est qu’il a représenté une bulle temporelle qui, avec le recul, a pris la forme d’une erreur esthétique sur toute la ligne. Sortes de rejetons dégénérés de Led Zeppelin qui n’auront, contrairement au groupe de Jimmy Page, engendré aucun héritier digne de ce nom, les musiciens originels rempilent aujourd’hui pour un cachet qu’on imagine mirobolant, et interrogent surtout l’incapacité d’un certain public rock à se défaire de son histoire et à s’en inventer une nouvelle, préférant éternellement se rabattre sur un axiome désespérément prévisible et confortable.
On ne se mouille pas beaucoup en affirmant cela, mais on doute fort qu’un revival hair metal puisse arriver un jour, ou qu’un kid du troisième millénaire soit pris d’une inspiration soudaine en découvrant les albums Appetite for Destruction ou Use Your Illusion 1 & 2 (alors que ce phénomène est encore envisageable avec les premiers disques d’un groupe aussi antédiluvien que, disons, les Rolling Stones). Pourtant, en 2016, Guns N’ Roses est toujours là, tel un navire qui n’en finit plus de sombrer. D’autant plus désespérant qu’il ne semble jamais vraiment vouloir arriver au bout de son naufrage.
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