Balayant neuf capitales pour illustrer les tendances artistiques du XXe siècle, l’exposition Century City présentée à la Tate Modern de Londres déçoit.
Caché sous un faux parquet en dévers, dès l’arrivée des visiteurs dans la galerie, Vito Acconci se masturbe : cliché photographique d’une performance de l’artiste américain réalisée en 1972. Vision d’une ville muséifiée, « New York 1969-1974 », qui est la partie centrale de Century City, première exposition temporaire de la Tate Modern, où l’on retrouve aussi John Cage, Nam June Paik et Charlotte Moorman accompagnée de son « TV Cello ».
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Très attendu parce que porteur de polémiques, Century City tente, à travers neuf villes (Moscou, Lagos, New York, Vienne, Tokyo, Paris, Rio de Janeiro, Bombay et Londres), d’illustrer les tendances artis-tiques et culturelles du xxe siècle. Une exposition menée par Iwona Blazwick, commissaire général qui a délégué à chaque ville un commissaire indépendant, et où, sur le papier, Londres prend la part belle en se réservant les années 1990-2000.
Mais, sur le terrain, c’est une autre affaire. Eclatée et sans grande force centrifuge, Century City dessine clairement deux tendances d’exposition : une vision froide et consensuelle de l’histoire de l’art à laquelle succombent les Paris, Moscou et Vienne du début du xxe siècle, et celle, plus vivante et surprenante, de certains commissaires d’exposition, comme Okwui Enwezor, nouveau directeur de la Documenta, qui dévoile la face cachée de Lagos ou de Tokyo. Revalorisant certains courants underground, le parcours se transforme, dès lors, en jeu de révélation.
Derrière un Tokyo de la fin des années 60 obsédé par les formes architecturales, se cachent des tentatives expérimentales, comme celle du Radical Theatre, mouvement underground, constructeur de petits théâtres d’une douzaine de places, communiquant par des affiches lubriques et licencieuses. Ou encore les attaques esthétiques de la revue Provoke, dont seulement trois numéros ont été publiés entre 1968 et 1969, arrivant sur la scène artistique japonaise comme une bombe, cristallisant dans des clichés fous en noir et blanc, de Nakahira Takuma et Takanashi Yakata, des visions urbaines ou citadines fictives et ordinaires. Troublant contraste avec la colorée Lagos qui, avec le plus petit espace d’exposition, parvient dans une musique d’ambiance à synthétiser le passage des traditionnelles sculptures en bois des années 50 aux questionnements identitaires d’une société postcoloniale des années 70. Si gigantesque et ambitieux que soit Century City, tout se passe donc dans la marginalité des grands foyers artistiques.
Malgré une série de clichés du Concorde de Wolfgang Tillmans, dernier lauréat du Turner Prize, saisissant les phases de décollage et d’atterrissage du supersonique au-dessus de la capitale britannique, le Londres fin de siècle laisse peu de souvenirs flagrants. Reste une vidéo de Gillian Wearing qui, marquée par une rencontre impromptue, se met dans la peau d’une jeune femme au visage bandé et livre une touchante ballade subjective troublée par le regard ahuri des passants. Un dispositif simple qui a fait la force plastique de l’ uvre d’Adrian Piper, artiste afro-américaine, dès les années 70. Faussement provocatrice et épurée, la partie londonienne de Century City se nourrit sans complexe d’un Bombay reconstitué, entre façades et salles de cinéma, exposé dans l’espace voisin. Un exotisme new age bienvenu et revitalisant, à l’image de l’exposition, qui oscille sans cesse entre fausses bonnes idées et vraies découvertes.
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