Jamais un album
de deuil n’aura
été aussi joyeux
et conquérant
que Ring n’Roll,
premier exercice
solo de Catherine
Ringer après
les Rita Mitsouko : entretien.
Quatre ans après la disparition de Fred Chichin, votre album solo Ring n’Roll a dû être un sacré défi à relever. Le plus important de votre carrière ?
J’ai affronté pas mal de défis dans ma vie. Est-ce le plus gros ? Pendant une période, après le décès de Fred, j’ai perdu ma voix. Je ne chantais plus comme je le fais d’habitude, chez moi ou dans la rue. C’est là que Mark Plati, qui a produit l’album Variéty et mixé le live Catherine Ringer chante Les Rita Mitsouko and More à la Cigale, m’a contactée pour écrire des chansons. A ce stade, je ne savais pas vraiment ce que j’allais faire de ma vie. J’avais de quoi vivre mais j’ignorais quelle direction prendre. Devenir interprète ? Composer ? C’était inquiétant parce que forcément, on se demande si c’est fini pour de bon. Avec Mark, on a commencé à échanger des idées. J’avais quelques riffs. Il complétait avec ses trucs. Au bout de la première journée, on s’est retrouvés avec trois chansons. Le lendemain, on est allés au studio que Fred a conçu et en dix jours on a enregistré six titres d’inspiration assez pop-rock. Ça m’a redonné du coeur à l’ouvrage, assez pour me retrouver toute seule avec un ingénieur et composer le reste avec l’aide de mon batteur et d’un logiciel. J’entendais Fred me dire “N’attends pas, va jusqu’au bout de tes idées, ne laisse pas les choses en plan.”
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En écrivant, vous pensiez aux remarques qu’il aurait pu vous adresser ?
Oui, ça m’a guidée. Je porte son héritage. Je me suis rendu compte que tout ce dont il avait la responsabilité dans les Rita, c’était à moi de le gérer désormais et que j’en étais capable. On a travaillé vingt-huit ans ensemble. Alors dans les moments un peu difficiles, les moments où il fallait choisir et ceux où je sentais que ça lui aurait plu, je l’entendais. Je crois que c’est toujours comme ça quand on a perdu quelqu’un d’aussi cher. Tous les gens en deuil ressentent la présence de la personne disparue. Son aide m’a été si précieuse durant l’enregistrement que j’ai hésité à le mentionner dans les remerciements. Mais c’est tellement évident.
Vu les circonstances, on aurait pu s’attendre à un disque marqué par la perte et le deuil. Hormis Mahler, on se retrouve avec un album le plus souvent joyeux et débordant d’énergie. Comment expliquez-vous ça ?
J’ai appris de cette période qu’il faut saisir l’instant, ces tout petits riens qui font la vie. Dans la chanson Vive l’amour, je parle du chant d’un oiseau. Ça se résume souvent à ça. Apprécier ce qui nous paraît banal en temps normal et qui soudain prend une résonance particulière. Le bleu du ciel, les branches d’un arbre secouées par le vent, qu’importe. C’est avec ça que petit à petit, on revient à la vie. Un deuil ressemble à une convalescence, comme regarder par la fenêtre d’une chambre d’hôpital.
L’amour et le désir traversent ce disque de part en part. On en conclut que comme à l’époque d’Andy, vous écrivez toujours avec votre instinct de femme. L’âge ne vous a pas changée.
C’est rassurant. Je dis toujours que je suis entrée dans mon troisième âge parce que je suis un peu une enfant de la balle… J’ai commencé ma carrière très jeune comme mannequin enfant. Ce fut mon premier âge. J’ai quitté l’école à 15 ans parce que ça ne m’intéressait plus. Tout de suite, j’ai eu la chance de travailler dans le théâtre musical avec Michael Lonsdale et Michel Puig. Je devais reproduire des sons avec ma voix, mais pas du chant à proprement dit. Des sons suraigus, des graves, des voix à l’envers. Je me suis vite aperçue que je pouvais tout faire avec ma voix, et c’est sans doute l’une des raisons qui ont permis aux Rita de parcourir autant de genres musicaux.
{"type":"Banniere-Basse"}