En étoffant sa pop lyrique et désenchantée, ARMAN MÉLIÈS revêt les atours d’un songwriter maître de son art.
‘Trouver n’est rien. Le difficile est de s’ajouter ce qu’on trouve”, écrit Paul Valéry dans Monsieur Teste. Cette réflexion trace forcément son chemin dans l’esprit des musiciens qui, après des années de tâtonnement, voire d’égarement, se dotent enfin d’un langage pleinement formé, délesté de l’influence de leurs modèles et du poids de leur naïveté : pour eux, la recherche ne fait que commencer. Car, comme l’ajoute Valéry, il faut encore du temps “pour mûrir ses inventions et pour en faire ses instincts”.C’est ce travail qu’Arman Méliès accomplit dans les chansons de son troisième album, Casino.
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Avec Les Tortures volontaires, sorti il y a deux ans, le Français était parvenu à l’âge adulte : sa chanson lyrique et désenchantée s’était enfin affranchie des maîtres à l’ombre desquels elle avait grandi – Dominique A, Bashung, le folk-rock américain… Pour la première fois, Méliès était dans ses murs : encore fallait-il qu’il n’y moisisse pas, qu’il résiste à la tentation de végéter, d’enfiler ses pantoufles et de somnoler au coin du feu. Casino ne bouleverse pas son intérieur, mais il en redimensionne les proportions : de cocon, sa musique, aujourd’hui plus spacieuse et ornée par endroits de parures de cordes et de cuivres, est devenue palais.Un choix assez risqué, qui pouvait transformer son bel artisanat en art bourgeois, décoratif et pétrifié. Il n’en est rien, car Méliès sculpte sa matière sonore et poétique avec le désir inlassable d’en révéler les reliefs aigus et les fêlures profondes.
Ses harmonies mineures, dont le tranchant et l’éclat évoquent parfois Morricone (Mille fois par jour, Belem, Sur ta peau), donnent une tonalité névralgique inédite à la popsong à la française, tandis que ses phrases elliptiques creusent de nouvelles lignes de faille dans le paysage de la chanson sentimentale (Papier carbone, Diva ou Amoureux solitaires, relecture ombrageuse et solennelle de la ritournelle d’Elli & Jacno).
Par petites touches, qui produisent de grands effets, Arman Méliès relève ainsi le défi qui s’offrait à lui : avec Casino, il parvient non seulement à cultiver sa singularité, mais aussi à la rendre plus fertile encore.
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