La figure emblématique de la musique colombienne, unissant rythmes africains et fièvres indiennes. On songe à une possible et passagère superposition, un test de Rorschach coïtal à échelle de continents ; l’Africain s’est brièvement accouplé voilà cinq cents ans à sa voisine de l’Ouest, recouvrant une partie du monde encore indéchiffrée, triangulaire et touffue, pareille […]
La figure emblématique de la musique colombienne, unissant rythmes africains et fièvres indiennes.
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On songe à une possible et passagère superposition, un test de Rorschach coïtal à échelle de continents ; l’Africain s’est brièvement accouplé voilà cinq cents ans à sa voisine de l’Ouest, recouvrant une partie du monde encore indéchiffrée, triangulaire et touffue, pareille à un pubis féminin, que l’on désigne aujourd’hui comme étant l’Amérique du Sud, sans doute par volonté de confondre à jamais l’auteur de l’insémination de cette prime graine moderniste qui allait tout changer, le navigateur florentin Amerigo Vespucci vainqueur d’un équivalent du Vendée Globe Challenge dans les années 1500. L’imprégnation alla bien au-delà des espoirs que nourrissaient ceux qui l’initièrent et, ainsi qu’il en va pour toute conception accidentelle, ce qui semblait devoir se limiter à une transaction anodine engendra un paroxysmique débordement vital dont Toto La Momposina, du nom de ce petit village indien posé sur les berges du fleuve Magdalena, conduisant ses eaux limoneuses jusqu’aux rivages atlantiques de la Colombie, est bien le symptôme musical le plus saisissant que l’on puisse attraper ces jours-ci. Parce que tout revient, inlassablement, à faire que du chaos originel, une forme naisse, que cette mission exige de formidables ressources physiques, on reconnaîtra dans le chant de la Toto, comme dans tout acte artistique digne de ce nom accompli sur cette terre violente, une voracité peu commune. Lorsque son chant se veut câlin ou embrumé d’une mélancolie que vient draper le fluide tissage des notes de la gaïta, flûte indienne en bois de cactus, persiste l’impression que cette femme a conservé les séquelles d’une morsure de serpent qui s’appelle la vie et que seule la vibration, qu’elle fait courir le long de son échine et pénétrer à travers les pores de sa peau cuivrée, lui fait usage d’antidote. Carmelina, venant après La Candela viva enregistré voilà cinq ans pour Real World, fait alterner les musiques tribales et sacrées où l’on distingue ce métissage afro-indien qui associe tambours et flûtes, incantations mystiques et forces vaudou, avec les rumbas, guarachas et autres boleros, conséquences de la tempête cubaine qui s’est mise à souffler sur la Colombie depuis les années 50, dévastant tout sur son passage. La Toto, c’est le croisement rêvé entre Celia Cruz et Yma Sumac. Elle fait se déhancher les jeunes vierges, ruisseler le jus d’hymen le long de leurs cuisses lisses, et une fois envoûtées, elle se transforme en grande prêtresse et les mène droit au bûcher pour un sacrifice aztèque. La totale. On annonce la dame en tournée française au printemps. Ça promet.
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