Dimanche 24 février, la salle parisienne a multiplié les ambiances : psychédélique et intense avec Caribou, intime et acoustique avec José Gonzales.
C’est un drôle de plateau qui attendait ce soir le public parisien ; la Cigale se confrontait à un pari fou, faire jouer sur une même scène des sorciers pop dont le psychédélisme est d’une grande puissance instrumentale sonore (Caribou) puis le désossement acoustique d’un grand songwriter folk suédois (José Gonzalés). Pari stylistique osé, certes, mais résultat probant : la salle affichait finalement « complet ».
Après une première partie de soirée assurée par Chris Garneau et sur les coups de 20 h 30, c’est donc dans un parterre archi comble que les valeureux et frais combattants canadiens de la pop psychédélique Caribou sont monté sur les planches . Dan Snaith et ses trois camarades y ont délivré – pieds et bras dévoués à leurs instruments respectifs – quarante bonnes minutes de pop droguée à l’électronique et de montées en puissance électrique. Des lumières bleues, violettes et rouges ont tour à tour baigné la scène, très vite transformée en un espace spatio-temporel unique et hypnotisant, tant la mise en scène du quatuor (deux batteries placées au centre de la scène, guitare et basse à l’arrière) et ses morceaux ambiancés ont captivé d’un coup d’un seul l’assemblée. Sur scène, chaque membre a sa place et son rôle instrumental à jouer et, pourtant, à l’écoute des extraits de son dernier album Andorra interprétés ce soir, c’est d’un sentiment d’unicité, de groove collectif et de plaisir qui a embrasé la Cigale. Si sur disque l’univers de Caribou ne peut se développer pleinement qu’à partir d’un certain laps de temps d’écoute, sur scène le groupe se vit, excelle et se dévoile en un morceau, à la vitesse de la lumière. Quelques minutes suffisent pour comprendre la technicité, la cadence irréprochable et la puissance de ses deux batteries effrénées qui, même à la fin du show, n’auront certainement pas rassasié l’assistance. Concentrés étaient aussi le guitariste (également batteur) et le bassiste qui, tour à tour, ont empoigné synthétiseurs aux sons sortis d’un monde parallèle, une flûte traversière improbable mais agréablement surprenante ou encore un chaleureux xylophone. Si couchées sur disque Sundialing, After Hours, Niobe ou encore Melody day s’avèrent de grandes chansons, empruntes de sonorités futuristes déglinguées ou extraterrestres, elles ont sur scène retrouvé un sol ferme, un coté terre à terre dévoilant leur intensité rock, peut être insoupçonnable pour qui n’a jamais approché une version live de Caribou.
21H00. La salle ne désemplit pas et pour cause, c’est essentiellement l’autre affiche de la soirée, José Gonzales, que le public est surtout venu applaudir. Le songwriter pointe finalement le bout de son nez et sa gueule d’ange dix minutes plus tard. Il est à peine installé sur sa chaise, guitare sous le bras, que le public clame son enthousiasme par applaudissements. L’argentin exilé en Suède à la voix cristalline mettra à l’honneur les titres de son dernier album In Our Nature -mais sans oublier ceux de Veneer, son prédécesseur. Dépouillées, épurées, réduites au diptyque imparable guitare folk/voix, les chansons de José Gonzales envoûtent un public souriant, semblant acquis à sa cause dès les premiers arpèges de chaque morceau. Stay In The Shade, Crosses, How Low, Lovestain n’ont beau durer qu’une poignée de minutes, la grâce et le charme évident du chanteur emportent notre inconscient, effaçant le moindre repère temporel ou moindre référence terrestre auxquels on pourrait se rattacher. Concentré sur sa guitare, ses cordes et son touché d’une minutie à clouer le bec de plus d’un oiseau, le songwriter chantonne de sa voix poétique et apaisante des comptines amères aux mélodies folk, brise le calme sur des rythmes entêtants voire flamenco (Hints), ou s’empreigne des claquements de main du public pour, tour à tour, jouer et battre la cadence sur la caisse de sa guitare ou taper du pied à coté duquel un micro était déposé. Sa reprise de HeartBeat de The Knives et surtout celle de Teardrop de Massive Attack, chanté en chœur par une grosse partie de la fosse, ont finalement ponctué un concert magnifiquement acoustique rendant, pour le coup, un public gracieusement électrique.