Deux ans après le chef-d’œuvre Twin Fantasy, Car Seat Headrest revient avec un nouvel album inclassable et surprenant, entre rock épique et influences électroniques.
Le temps où Will Toledo enregistrait dans la voiture de ses parents, à l’abri des oreilles indiscrètes de la petite ville de Leesburg en Virginie, est désormais loin. Les dizaines d’albums datant de cette époque sont pourtant toujours sur son Bandcamp, comme autant de vestiges des premières heures de la musique indépendante à l’ère internet. Dix ans ont passé aujourd’hui et, s’il s’appelle toujours Car Seat Headrest en référence aux appuie-têtes qui lui servaient de pieds de micro à cette époque, le projet solitaire du jeune musicien s’est désormais mué en un groupe.
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Il aura néanmoins fallu attendre 2018 pour que le talent de Will Toledo n’explose réellement aux yeux d’un assez large public. Pour cause, la révision de Twin Fantasy, disque d’abord sorti en 2011 et édité par Matador en 2018, est proche du chef-d’œuvre. Will Toledo y développe des chansons aux structures insensées, durant parfois plus de quinze minutes, des paroles mélancoliques et ciselées, et des guitares couvrant une large partie du spectre de la musique “rock”.
Confinement oblige, c’est au téléphone, depuis son canapé, qu’il nous explique le réenregistrement de ce disque : “Ça a été très bizarre à faire… Mais il me semblait que c’était important. J’avais enfin les moyens de faire sonner Twin Fantasy comme je le souhaitais à l’époque, donc on s’est lancés. En revanche, j’ai refusé de faire de la promo, des interviews, parce que la musique était ce qui primait. C’est toujours le cas maintenant (rires), mais je me suis fait à l’idée que la promo faisait aussi un peu partie de mon travail.”
En effet, si on l’appelle aujourd’hui, c’est parce que le jeune Américain s’apprête à sortir son premier album composé de chansons inédites depuis de longues années. Intitulé Making a Door Less Open, le disque surprend d’abord par ses expérimentations électroniques : “J’ai toujours aimé la musique électronique, elle a toujours fait partie de mes chansons. Et j’ai un duo dans ce genre-là avec Andrew Katz, l’un de mes musiciens. On a simplement décidé de partir un peu plus dans cette direction et de réintégrer des ordinateurs à notre musique.”
Prendre l’auditeur à contre-pied
Deux enregistrements auront donc été nécessaires. L’un, totalement analogique, pour garder l’esprit de groupe et l’énergie du rock, l’autre, numérique, afin d’ajouter et de retravailler des textures, des synthétiseurs et des boîtes à rythmes. L’ensemble est un mélange inclassable, qui ne cesse de prendre l’auditeur à contre-pied, et l’on hésite quelques instants avant de poser une question un peu épineuse à Will Toledo :
“Kanye West ? Oui, je vois ce que tu veux dire, surtout sur Famous, en effet. Je ne sais pas si je pourrais le citer en influence, mais j’aime beaucoup ce que fait Kanye, il a quelque chose de très aventureux, de brut et de frais, sans être lisse.” Et si la musique de Car Seat Headrest n’a pas grand-chose à voir avec celle du rappeur, elle s’approche aussi en quelque sorte de ces qualificatifs.
Le groupe passe ainsi d’une chanson quasi punk – Hollywood – à de l’electro brutale, totalement déconstruite – Hymn (Remix) –, en passant par un superbe morceau lorgnant vers l’EDM – Deadlines (Thoughtful) – tout en étant aussi capable de livrer des titres acoustiques tels que What’s with You Lately. Et le disque se développe ainsi en de multiples changements d’ambiance, qui lui donnent un aspect très contemporain, tout en gardant un socle commun : le fond et les paroles. Dans ces dernières, Will évoque, forcément, l’amour et les sentiments humains, mais il critique aussi assez vivement la société dans laquelle nous évoluons.
Il conclut : “Oui, il y a une vraie part de critique dans cet album. Je suppose que tu penses à Hollywood, mais les autres chansons aussi traitent d’individualisme, de ce genre de choses. Cela me semble essentiel, et j’espère que la situation actuelle aidera à une forme de changement. »
« En réalité, les paroles s’inspirent ici beaucoup de la vie quotidienne, et je crois que j’aimerais qu’on puisse se contenter d’une vie normale, sans toujours chercher à avoir plus, à être quelqu’un de connu ou quelqu’un qui compte. Cela fait partie des raisons pour lesquelles je porte désormais un masque dans mes clips. Et en y réfléchissant, tout ça est finalement peut-être le cœur de Making a Door Less Open.”
Making a Door Less Open (Matador/Wagram). Sur les plateformes d’écoute et de téléchargement
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