Après avoir publié une bonne dizaine d’albums sur son Bandcamp, l’Américain de 26 ans vient de revisiter son chef-d’oeuvre « Twin Fantasy ». Et il a retourné la Villette Sonique, samedi soir.
Will Toledo a 18 ans quand il compose son premier album dans la petite ville de Leesburg, en Virginie. Réfugié dans sa voiture pour échapper aux oreilles indiscrètes de ses parents et de ses voisins, le jeune Américain enregistre une quinzaine de chansons à grosse tendance lo-fi ; et, en bon enfant d’internet, balance le tout sur Bandcamp. Sous cette collection de titres chancelants mais prometteurs (pour qui aime la distorsion), il joint la description suivante : »Je n’aurais jamais été capable de faire cet album si j’avais pensé que quelqu’un l’écouterait un jour ». Le nom de Car Seat Headrest devient donc la seconde peau du jeune homme au physique de bibliothécaire ; maigre, un peu pâlot et aux lunettes constamment vissées sur le nez.
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De la voiture et des tréfonds d’internet à la consécration
Puis les mois s’enchainent. Six disques et un an et demi plus tard, Will sort Twin Fantasy. Le disque, un condensé de rage adolescente, d’errances sexuelles et d’histoires d’amour qui finissent mal, se pose instantanément en classique de Bandcamp. Car Seat Headrest devient un gros espoir de la scène du rock indépendant, et pour cause : si la production est constamment sur la corde raide, rendant l’écoute des titres assez difficile pour les non initiés, tous les morceaux montrent un talent brut, viscéral. Les fantômes de Daniel Johnston, des Strokes et de Pavement se croisent sur chaque chanson, et on comprend sans peine que les labels finissent par s’arracher la signature du jeune homme d’à peine 23 ans. Matador Records remporte la mise, fait paraître une sorte de best-of de l’artiste (Teens Of Style), et Will Toledo s’entoure de musiciens pour sortir le superbe Teens Of Denial, dont est tiré ce morceau :
Bien mieux produit que les précédents, l’album traite de la période de transition entre l’age adolescent et l’âge adulte. Les drogues, les ruptures, les balades ivres entre potes… Les thèmes ne sont pas neufs, mais Will Toledo démontre encore une fois qu’il n’a pas son pareil pour composer des bonnes chansons. Et l’album pourrait finalement se voir décrit par cette citation, extraite d’une interview chez Noisey en 2016 :
« A quel moment tu arrêtes d’être un adolescent en colère, et quand est-ce que tu commences à devenir un adulte ? Je crois qu’il n’y a pas de réponse claire à ça. »
Et ainsi, les compositions se perdent en cercles distordus, s’étirent parfois jusqu’à 11 minutes, oscillent entre des balades au piano et des hurlements de guitares-perceuses. En dépit d’une sortie repoussée pour une sombre histoire de droits d’auteur avec le leader de The Cars, l’album est un gros succès. Tous les critiques s’accordent pour confirmer le talent de Car Seat Headrest et faire de lui le nouveau petit génie du rock américain.
« Twin Fantasy » : le chef-d’oeuvre revisité
Will Toledo n’a plus grand-chose à prouver et décide, presque pour son propre plaisir, de revisiter totalement son fameux Twin Fantasy. L’idée semble loufoque pour pas mal de monde, mais encore une fois, le musicien fait l’unanimité.
Sortie en février dernier, cette nouvelle version met en effet à l’amende bon nombre d’autres albums estampillés ‘’musique à guitares’’. On retrouve donc les mêmes chansons que dans le disque de 2011, mais les titres, déjà longs à l’origine, se voient allongés à l’envi. Clin d’oeil spécial, dans ce sens, à Famous Prophets (Stars), incroyable morceau épique de 16 minutes. Ou bien à High To Death, l’un des plus beaux titres de l’album. Certaines paroles ont changé, puisque l’auteur/interprète a lui-même beaucoup évolué en six ans, mais le disque garde cette même rage, ce même besoin acharné de tendresse qu’auparavant. Will Toledo est peut-être devenu adulte entre temps, ou peut-être pas. On ne sait pas trop et nul doute que lui non plus.
Mais peu importe, il est en tous les cas devenu en quelques années un des meilleurs songwriters de sa génération. Et ce n’est pas son concert samedi dernier pour la Villette Sonique qui nous fera mentir. Ca faisait effectivement un bon moment qu’on n’avait pas vu un groupe à guitares provoquer autant de frissons et de pogos chez ses spectateurs ; et même s’il est ‘’allergique à la promo’’, Will Toledo aura du mal à empêcher son public et les journalistes de sonder son Bandcamp dans l’attente d’un nouveau disque.
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