Vibrant, ce second essai folk rock laisse entrevoir la plume poétique et cathartique de sa songwriteuse, Adrianne Lenker.
Moins d’un an après avec son premier album Masterpiece, le quartet américain – réunissant la chanteuse Adrianne Lenker, le guitariste Buck Meek, le batteur James Krivchenia et le bassiste Max Oleartchik – est de retour avec un second long format, bien plus personnel et tranchant, mais toujours aussi poignant.
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Dans l’album Capacity resurgissent des épisodes plutôt douloureux de proches et d’Adrianne Lenker, une songwriteuse émérite sur qui il faudra désormais compter. A seulement 25 ans et s’aiguisant à la fameuse Berklee College of Music, sa plume poétique et voix vibrante ne pourront vous laisser de marbre. Capacity est en écoute sur Apple Music et ci-dessous via le player Youtube :
https://www.youtube.com/playlist?list=PL1Gl53JxSsHWKD9—jIMiGZOVDdwSV3m
Après une longue tournée mondiale en 2016, dont trois mois en continu, Big Thief nous offre ce deuxième album, enregistré au début de l’an passé. Soit seulement quelques mois après Masterpiece (mis en boite lui à l’été 2015). Pendant ce cours intervalle de temps qui les sépare, Adrianne s’est lancée dans un intense et fertile atelier d’écriture. Comme si Masterpiece avait ouvert le robinet d’un flot ininterrompu de questionnements, les deux albums se rejoignant ainsi grâce ou malgré eux, comme elle le confie dans une interview pour Stereogum :
« C’est assez flou pour moi, mais je crois bien que certaines chansons sont nées simultanément. Je crois que chacune ou chaque nouveau projet qui démarre, pousse sur les bases du précédent ouvrage. C’est comme plusieurs niveaux d’écritures qui répondent à la même question. »
Si le premier album auquel elle a consacré plus de deux ans de sa vie, lui a permis de se libérer artistiquement et démultiplier sa créativité, Capacity est lui cathartique, et achevé en presque un mois seulement, dans un studio de New-York – où réside le groupe. Elle y continue le travail introspectif amorcé sur Masterpiece, laissant encore plus de place aux paroles, et semble y avoir trouvé une sorte de délivrance :
« J’éprouve sur ce disque un nouveau sentiment, que je n’avais pas sur Masterpiece, c’est celui d’apaisement. Je ne crois pas que ce soit l’apaisement d’avoir trouvé la réponse à quelque chose. Mais plutôt le fait que j’ai trouvé mon rythme de croisière pour continuer à me poser toutes ces questions. »
Une écriture métaphorique et symboliste
Et il n’y a qu’à observer la pochette de Capacity – qui met à nouveau en scène la mère d’Adrianne, cette fois-ci non plus en teenager mais en mère-enfant avec dans ses bras la songwriteuse bébé – pour comprendre que ce disque laisse entr’apercevoir une facette bien plus vulnérable et à fleur de peau de son auteur. Pour Paste Magazine, Adrianne confie que toutes ses chansons sont bien autobiographiques :
« Elles sont toutes vraies. Je n’ai jamais écrit une pièce fictionnelle. Mais parfois j’utilise le symbolisme et la métaphore à la place de l’action littérale. Je crois vraiment que ça peut exprimer l’essence même de mes idées. »
Cette poésie et ce symbolisme, elle en use avec grâce sur le titre Capacity où elle évoque la vie d’un oiseau en cage ou d’une relation un peu trop fusionnelle et étouffante (Do what you want with me / Lost in your captivity / Learning capacity / For make-believing everything / Is really hanging). Ou encore sur Mythological Beauty où Lenker y raconte comment sa jeune mère a réussi à fonder une famille, alors qu’elle n’était encore elle-même qu’une enfant – en y relatant plus précisément un choc brutal à la tête qui aurait pu lui être fatal :
« There is a child inside you who is trying
To raise the child in me« I was just five and you were twenty-seven
Praying, ‘Don’t let my baby die.’ ”MYTHOLOGICAL BEAUTY
« There’s a woman inside of me / There’s one inside of you, too »
Et si Adrianne laisse suffisamment de distance entre sa vie personnelle et les paroles de ses chansons, c’est non moins par pudeur que pour que chacun puisse y glisser sa propre expérience, et y faire ses propres recherches, et se poser des questions. On peut cerner plusieurs niveaux de lecture, parfois plusieurs points de vue ou angles d’observation, les rendant attachantes et riches. Dans le titre inaugural Pretty Things, elle évoque ainsi la part de féminité et de masculinité qui est présente en chacun(e) de nous, tout en racontant l’agression sexuelle d’une femme et la difficile relation avec les hommes qui en résulte :
« Don’t take me for a fool
There’s a woman inside of me
There’s one inside of you, too
And she don’t always do
Pretty things »PRETTY THINGS
Aussi traumatisants, Watering et Coma – orchestrés pourtant en de mesurées et enveloppantes mélodies- retracent successivement des effusions de sang et des lendemains qui ne chantent pas vraiment. Quant à la romance Shark Smile, ne vous fiez pas trop à cette road song entrainante, son destin sera tout aussi funeste. Un coup de foudre sur l’autoroute du Midwest, entre les villes Des Moines et Winona, finissant en coup d’éclat et précipitant les amants et leur van jaune dans le bas côté. De loin, le morceau le plus réussi de l’album.
Enfin c’est sans doute Mary – une balade minimaliste réanimant les souvenirs de l’enfance et dédiée à sa meilleure amie – ses cinq minutes trente, un sobre piano et une prose abondante qui vous feront définitivement rendre les armes. Son refrain révèle un flot harmonieux de souvenirs qui sentent bon la maison des grands-parents, et des vers parfois mystiques (« Monastery Monochrome / Boom balloon machine and oh ») dégringolant comme un gamin dans un escalier, entre soulagement et inquiétude. Comme elle précise pour le magazine NPR :
« D’abord, ça sonne et ensuite ça prend tout son sens. Cette chanson donne envie de pleurer et de rire à la fois. Ca fait toujours du bien de la chanter. »
La délivrance éprouvée sur Mary, comme si le passé était peu à peu digéré et absorbé, semble façonner la personnalité présente d’Adrianne, en ce Black Diamond(s) dont fait écho la dernière piste. Un diamant brut, avec ses fêlures et ses parts d’ombre mais de toute beauté.
L’album Capacity (Saddle Creek) est disponible sur Apple Music.
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