De l’étrange complexe d’être un Anglais bon teint soit blanc comme un linge , musicien anonyme ou peu s’en faut et de nourrir une passion dévorante pour la Californie, son soleil trompeur, ses villas en bord de mer où, dans des chambres monacales, des génies obèses se torturent la cervelle, se gavent de drogues […]
De l’étrange complexe d’être un Anglais bon teint soit blanc comme un linge , musicien anonyme ou peu s’en faut et de nourrir une passion dévorante pour la Californie, son soleil trompeur, ses villas en bord de mer où, dans des chambres monacales, des génies obèses se torturent la cervelle, se gavent de drogues et de hamburgers, et accouchent dans la douleur de mélopées ultimes et flamboyantes. Harvey Williams est de cette espèce, celle des Martin Newell, Louis Philippe ou John Cunningham, tous garçons de plage blafards, humbles aspirants Brian Wilson, tous bouleversés à vie par l’écoute exclusive d’albums trop grands pour eux. Quand il ne joue pas les utilités dans des groupes oubliés (Blueboy), Williams enregistre des disques rares et miniatures, disques de mélodiste maniaque où sa science de l’écriture et de la production repousse toutes les limites, qu’elles soient d’ordre technique, financier ou même géographique. Le précédent, Rebellion, était sorti en 1994, mais ceux qui l’avaient acquis à l’époque le gardent toujours à portée de main, fidèle compagnon des matins d’été, quand la flemme s’allie à la douceur de vivre et que seul ce genre de vignettes, paisibles et mélancoliques, se conjuguent harmonieusement avec le silence de la maison. Réplique exacte de Rebellion, California tombe donc à pic, parfait album de saison jusqu’à sa pochette balnéaire et ambiguë, dont on ne sait trop si elle montre la Californie comme un Eldorado sis par-delà l’océan, ou comme une réalité de carte postale. Côté musique, rien de neuf, et ce n’est pas plus mal : seul au piano, accompagné de quelques bois ou cuivres, de cordes chiches et élégantes, d’une modeste boîte à rythmes, Williams refait son Pet sounds à lui, pas à l’échelle mais dans le détail, tel un de ces modélistes pointilleux dont l’ambition se nourrit de modèles inaccessibles, mais dont le travail laisse comme deux ronds de flan. Sans jamais hausser le ton, comme enveloppé d’un halo de grâce et de délicatesse, il décline des mélodies d’un calibre supérieur, fragiles et limpides, les chante avec une justesse stupéfiante, une extraordinaire suavité ; son spleen voluptueux lui donne des ailes, le tire vers le très haut. Sa vision de la musique est un peu la nôtre, celle d’un astre déclinant, dont la lumière rasante irradie des contrées sublimes.
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