Bourré de mauvaise foi acide ou l’argumentation aiguisée comme un scalpel, un rédacteur des Inrocks démonte chaque semaine un disque ou un artiste que ses collègues adorent. Cette semaine, Johanna Seban s’énerve fort fort fort contre Björk (et son tréma).
Il y a quinze jours, mon collègue Stéphane disait du mal de The XX ici même. Depuis des gens sont venus casser sa maison avec des pierres. Il a reçu des menaces de mort et, sans doute pour la blague, des bons de réduction pour la teinture noir corbeau de chez Schwarzkopf.
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Il y a une semaine, mon collègue Thomas écrivait que le dernier album de Radiohead l’ennuyait. Il est désormais poursuivi, nuit et jour, par des gens avec un œil à moitié fermé. Il ne peut plus prendre le métro, ni même le bus, et encore moins le vélib, rapport à tous les fans de Thom Yorke qui sont abonnés. Il fait semblant de trouver ça marrant, mais je sais qu’au fond, il a comme qui dirait les chocottes.
Toutes ces tentatives d’intimidation ont presque réussi à me dissuader de participer, à mon tour, à l’exercice de mauvaise foi que nous proposons désormais toutes les semaines – ayant déjà, sur ce site, cassé suffisamment de sucre sur le dos d’artistes pour pousser les usines Beghin-Say au dépôt de bilan, je sais mes ennemis internautes à la fois nombreux et sanguinaires. Et puis hier soir j’ai vu une pub pour reporters sans frontières et la liberté de presse, et je me suis dit, nom d’un petit bonhomme en mousse, tu dois écrire la vérité : aussi vrai qu’ « Hakuna Matata » signifie que « tu vivras ta vie », écrire ce que tu penses est ici ta mission.
Or ce que je pense, et ce n’est pas parce que sa photo trône au dessus de mon bureau que je vais me taire, c’est que la musique de Björk m’emmerde au plus haut point. Allez-y, sortez les fusils, visez les mollets. Ecouter Björk est pour moi aussi pénible que l’écrire, avec ce tréma un peu chiant au milieu. J’avais, je dois le reconnaître, été plutôt séduite par Debut et Post : ce n’étaient pas les disques de ma vie, mais c’était moderne, curieux, singulier. Mais bon, après Debut et Post, moi, j’aurais bien vu End et on n’en parle plus. Mais non. Le souci, c’est qu’ensuite, Björk a eu la bonne idée d’enfiler un kimono « un peu délire », et d’opter pour la coiffure de Mickey sur la pochette d’Homogenic. Et à partir de là, Björk, son fichu tréma et moi, on a cassé.
Tout le monde a beau trouver ça épatant, quand je réécoute cette musique, je ne ressens rien, si ce n’est l’impression d’être bloquée à la fois dans un mauvais restaurant chinois (Joga, parfait pour commander un Bo Bun), et dans les années 90. Ecouter Homogenic en 2010, c’est un peu comme dire « j’ai un ami, il a MTV ». Comme dire aussi « et si j’organisais mon anniversaire dans un bar en glace ? » ou demander « t’étais à Tricky mardi dernier ? ».
En somme, c’est dépassé, c’est froid, ça ne va pas du tout. A l’exception de Bachelorette et Unravel, il y a des chansons ennuyeuses (Pluto, pas dingo du tout), des chansons ennuyeuses (5 Years) et des chansons ennuyeuses (Hunter). Surtout, partout, il y a la voix de Björk, qui ne se pose jamais complètement, qui rappelle des mauvais vendredis soirs passés à regarder des épisodes de Confessions Intimes sur le syndrome de Gilles de la Tourette (All Neon Like).
Tout ça ne serait pas tellement agaçant si Björk ne bénéficiait pas en parallèle d’une crédibilité folle, et d’un certain statut d’artiste intouchable. Plus elle met des plumes dans ses cheveux, plus on la trouve géniale. Plus elle utilise des consonnes, plus on dit chapeau (c’est vrai quoi, c’est con les voyelles). Avec l’histoire du nuage, j’ai un peu pensé à elle: je me suis dit qu’elle allait écrire une chanson à partir des cendres. Eyjafjöll, ça pourrait complètement être le successeur de Volta.
D’ailleurs, si je prends des risques à réévaluer Homogenic à la baisse, nous sommes nombreux, je crois, à avoir lâché l’affaire, le tréma, les plumes et tout le toutim depuis, exaspérés par les récentes expérimentations sonores, visuelles et artistiques de la demoiselle. Sur Wikipedia par exemple, il est dit de l’album Medulla que c’est « un disque qui ne contient qu’une maigre ossature musicale mais des « r » roulant et modulés interminablement. » Outre une ablation de dent de sagesse un lundi de novembre, peut-on, sur terre, envisager une définition plus précise de l’enfer ?
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