La simple annonce d’un nouvel album d’Antony, avec la participation de Björk, semble confirmer pour certains la crainte maya d’une prochaine apocalypse. L’occasion, pour ceux qui ne l’avaient pas lu, de ressortir du formol un « ça casse » qu’on lui avait consacré il y a plus d’un an.
Je n’aime pas Antony, avec ou sans ses Johnsons. Je sais. C’est mal. C’est presque ringard, voire carrément hétéro-beauf. Toute personne sensée (ou presque), tout individu cultivé (ou presque), tout lecteur (a fortiori rédacteur) des Inrocks/Telerama/Pitchfork/blogs (ou presque) aime Antony. Peut-être à raison : je connais des gens qui ont très bon goût et qui adorent Antony. Je suis magnanime, notez-le : je ne leur en veux pas, ou pas beaucoup, même si je m’interroge parfois sur la cartographie sans doute étrange de leurs connexions neuronales..
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C’est, chez moi, épidermique : je ne le supporte pas, Antony. Carrément. La récente annonce d’un nouvel album me fout d’ores et déjà les jetons. J’en connais qui se pâment déjà. J’ai quand à moi décidé de conserver mon stock de bouchons d’oreille anti-Vuvuzelas pour la venue de cette nouvelle apocalypse. Pourquoi une telle haine ? Parce que. Parce que, tout court. De la même manière qu’on peut honnir, sans trop savoir pourquoi, un quidam croisé quelques secondes dans la rue, un barman désagréable, l’ami d’un ami qui porte sur les nerfs, on a le droit de ne pas aimer un artiste. Ou en tout cas son art. Et je déteste le sien.
Il me file des boutons, des petites éruptions au visage, très désagréable, presque pire que le jazz-rock prog, c’est dire. Antony a une voix d’ange ? Je ne la tolère pas plus de 6 secondes. Et encore. Cette scie égoïne mal accordée me vrille les tympans. Ca chiale et ça chouine, c’est beau comme un caniche qui siffle ses derniers râles avant le trépas, c’est pénible comme la roulette du dentiste -et ça fini, immanquablement, par toucher le nerf. C’est triste mais même pas beau, c’est passe partout, c’est de l’émotion en tube, comme le dentifrice, des effets spéciaux hollywoodiens, du sirop de larmes surfait, artificiel et prévisible.
Le garçon est un être unique, un androgyne et c’est passionnant ? Rien à foutre. Ca ne m’intéresse pas, le sexe des anges. Je trouve ses chansons passablement chiantes. J’ai envie de rayer le disque à coup de cutter au bout de 10 secondes de chacune d’entre elles. Il est multi-talentueux, il est l’archange du petit monde sympathique de l’arty, son nouvel album sera accompagné de la sortie d’un livre illustré ? Arty farty, disent les anglosaxons -ça veut dire ce que ça veut dire, je m’arrêterai juste avant les onomatopées.
Le pire est que, ici ou là, j’ai du en dire du bien. Suivre la ligne, être dans les clous, ça s’appelle. Mais c’est fini. Maintenant vous savez.
Je n’ai pas écouté son nouvel album, je n’écouterai pas plus le prochain. Je juge sans savoir. Je m’en fous, du dernier album d’Antony, je me carre du prochain : je sais qu’il me fera mal, très mal, voire carrément chier, très chier. Je vais donc devoir subir. Comme pour Kanye West, dont je me contrebalance comme de mon premier string, que je trouve même un peu pourave et méchamment survendu : je ferai le dos rond, je supporterai la symphonie des louanges qui ne va pas cesser, ces prochaines semaines, ces prochains mois, de me briser les enthousiasmes.
Mais je ne suis pas seul. Nous nous sommes tus, pendant des mois, cachés dans les recoins sombres du déni, changeant de sujet dès qu’Antony venait sur la table, avec ou sans ses ailes, avec plus sûrement ses gros sabots. Nous nous sommes tus, mais nous nous sommes reconnus. Un à un, nous avons osé l’inosable : nous avouer que nous n’aimions pas Antony. Un brûlot dans la mare jeté à la face des puissants, des ronds de cuir, et surtout des trendmakers.
Nous sommes désormais une petite troupe. Souterraine, secrète, inavouée. Mais qui gronde. Je ne citerai aucun nom. La police du goût rôde, sournoise, impitoyable. Elle nous surveille. Mais grâce à notre action, un jour sans doute, le mythe choira de son piédestal.
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