De jeunes artistes s’improvisent VRP et publient le catalogue de leurs uvres à acheter par correspondance. Un intérêt artistique limité mais sauvé par l’humour.
Le petit paquet arrive par la poste, dans le courrier du matin. Un petit format en papier glacé qui se distingue illico des habituels catalogues d’artistes par son aspect délibérément cheap : couleurs criardes, graphisme de mauvais goût (grosses flammes mal dessinées, une certaine tendance au jaune fluo à la nuance pisseuse, des aplats marron à la pelle) et typographie de prospectus publicitaire. Bonne piste : Buy-sellf 2000 est un catalogue de vente par correspondance. Un outil de VPC au même titre que l’indétrônable pavé de La Redoute ou que les sommes de Nouvelles Frontières dont le contenu est pourtant parfaitement inutile, ne proposant à la vente qu’une sélection d’ uvres d’art. Il y a le tapis masseur avec ses saucisses synthétiques au profil de phallus, le ballon de foot en ciment idéal pour défoncer les capots de voiture, le petit nécessaire du bivouac en plastique (son feu de camp, son seau d’eau), l’alambic à fabriquer du Coca, un ensemble fleuri composé d’une robe et de son tapis de camouflage, mais aussi un recouvre-langue, un gant-bouillotte, la recette Jivaro pour réduire les têtes… (passons sur la regrettable présence de l’artiste scato-facho Costes).
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Chaque article est ainsi accompagné d’un numéro de référence et d’un prix de commande (élevé) allant jusqu’à 36 000 f. Vu le niveau inégal des uvres ainsi présentées, dans l’ensemble très potaches, et finalement plus proches du gag bricoleur que de la pièce de musée, on pourrait s’interroger sur les qualités d’une telle publication. Mais ce qui sauve ce projet, à l’intérêt artistique à vrai dire limité, c’est précisément son premier degré. Le fait que ce catalogue ait véritablement pour fonction de vendre les prototypes ainsi exposés et ne se contente pas de caricaturer la VPC. Sous ses dehors de pastiche des P.O.F. de Fabrice Hybert, qui fit justement du système économique et mercantile un champ de travail et un mode d’intervention, l’édition 2000 de Buy-sellf offre en réalité une approche tout à fait directe, pragmatique et décomplexée des questions de diffusion de l’art. Le tout avec un sens de l’humour aigu et une roublardise (on y trouve images racoleuses et spectaculaires comme pour mieux appâter le chaland) qui laissent présumer une bonne maîtrise des fondamentaux de la communication. « Ce catalogue est pour nous une façon de revenir à l’objet d’art », explique l’un des artistes du collectif par correspondance, sis dans le seul atelier d’artistes que possède la ville de Bordeaux, et par ailleurs allocataire du RMI. Galères de (très) jeunes artistes. L’année dernière, la précédente édition de Buy-sellf s’était soldée par la vente de quelques pièces. Trop peu pour que l’opération soit significative. Mais suffisamment pour conforter la validité du système et offrir finalement un autre type d’espace d’exposition, moins pro que celui d’une galerie mais plus clairement défini que celui d’un magasin s’improvisant lieu de « monstration » d’art. En complément, le musée d’Art contemporain de Bordeaux expose une sélection d’ uvres des artistes vendus dans Buy-sellf. Une façon de les inscrire, à au moins une reprise, dans un champ purement artistique.
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