Patrons d’un label, disquaires, créateurs de festivals… Rencontre avec deux chevelus workaholic qui inventent le futur avec un outil du passé : la cassette.
Quelque part entre l’insaisissable Los Angeles et Anaheim, cité gardienne du parc Disneyland, il y a Fullerton, ville berceau du label DIY Burger Records fondé en 2007 par Sean Bohrman et Lee Rickhard. En offrant à des petites formations, d’abord locales, les moyens d’exister en support physique via des cassettes, médium au coût de production le plus minime qui soit, l’écurie a vu croître sa mission au gré de la demande et permis à des centaines de groupes garage de se faire entendre.
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Burger Records est devenu tour à tour label, disquaire, festival, a ressorti des classiques et s’est offert des présences de choix au Mexique, au Japon, en Europe et à travers les Etats-Unis en faisant sortir des pubs crasseux et salles de répétitions des centaines de formations indépendantes. Parmi ses racks cassettes, les jeunes espoirs côtoient les grands: Oh Sees, The Brian Jonestown Massacre, The Growlers, Nightbeats, King Tuff, Dinosaur Jr… et du côté de chez nous, Laure Briard et La Femme.
Derrière la cool attitude de Burger Records se cache un projet colossal piloté depuis dix ans par deux gentils trentenaires californiens, musiciens passionnés et travailleurs acharnés. Rencontre avec Sean Bohrman et Lee Rickhard à Fullerton dans l’arrière-boutique de leur disquaire, au siège enfumé de Burger Records.
Voilà dix ans que la signature Burger Records a envahi la planète avec ses sorties originales, rééditions, compilations, concerts et festivals. Comment ça a commencé ?
Lee – On a commencé par auto-produire le deuxième single, EZ2LUVU, de notre groupe Thee Makeout Party! En activant ce processus, on a commencé à sortir aussi la musique de nos amis.
Sean – Juste avant la crise économique, Lee travaillait dans un ranch et moi dans un bureau. J’ai quitté mon boulot et retiré mon 401 (k) (système d’épargne retraite aux États-Unis, NDLR) pour ouvrir cette boutique. C’est devenu aussi le siège de Burger et un endroit où produire des shows toutes les semaines. Notre maison aussi… j’ai vécu là sept ans et Lee cinq ans.
Comment à deux on arrive à bâtir à un tel empire DIY ?
Sean – Burger Records, c’est comme faire tourner des assiettes : tu vas de plus en plus haut, tu fais tout pour que ça marche. Avec les années, on rajoute toujours un peu plus d’assiettes. On assemble des concerts, on crée des designs… on fait les choses et on met un nom dessus. Si un événement marche bien, on le reprogramme l’année suivante et ça deviendra un rendez-vous, comme notre festival Burger Boogaloo. On travaille aussi en synergie avec des attachés de presse, des producteurs pour BRGRTV, des employés au magasin… mais on est trop control freak pour déléguer plus.
https://www.youtube.com/watch?v=02TwPWCBgLM
Lee – On a plusieurs casquettes, on a appris beaucoup de choses au fur et à mesure… mais c’est vrai que parfois c’est difficile. J’ai dormi cinq ans sur ce sofa, je viens de partir un mois en tournée avec Red Kross, parfois j’ai l’impression de brûler un peu la bougie pas les deux bouts.
Comment avez-vous été reçus lorsque vous êtes arrivés avec des cassettes à une époque où l’objet avait quasiment disparu de la circulation?
Sean – Les gens ont accepté le retour de la cassette ou l’ont méprisé. Il n’y a pas eu vraiment d’entre-deux, c’est toujours le cas ! Mais au moins, ça a fait réagir. Lorsqu’on a commencé, on était les seuls sur ce créneau, maintenant la plupart des labels indépendants en produisent.
Lee – Mais je n’imagine pas ça aller au-delà cette niche. Je pense que ça continuera et prospérera tant qu’il y aura de la bonne musique à sortir, des choses que les gens veulent entendre.
Plusieurs micro-labels vous ont emboité le pas, êtes-vous conscient d’avoir comblé un vide pour la musique alternative et indépendante?
Sean – Oui, on est conscient et heureux de pouvoir montrer le chemin à des kids qui se disent : “ces deux mecs ont monté un label, je peux le faire aussi”. Beaucoup de groupes se sont formés inspirés par les Ramones qui tournaient comme des fous dans les années 1970. Je me sens un peu dans cet état d’esprit.
Lee – C’est cool, on n’a pas le contrôle de tout et ça suit une tradition rock, à la Black Flag. Ça a commencé avec des amis et on a progressivement consolidé une audience.
https://www.youtube.com/watch?v=VFIuZ3C7IJM
Vous avez encore le temps de digger de la nouvelle musique ?
Sean – Ah oui j’ai ma listen list ici et je passe à travers tous les jours. On travaille aussi sur des compilations Burger World : on passe des heures à écouter les groupes. Ces compilations permettent aussi de transmettre le mot Burger partout. On n’a pas forcément les moyens de faire des relations publiques, on trouve une alternative qui sert tout le monde.
On parle de plus 1 100 sorties Burger Records, c’est votre site qui le dit. Que vous inspire un tel chiffre ?
Lee – Cela veut dire qu’on est probablement l’un des labels indépendants le plus en croissance… Actuellement, on sort environ deux cents enregistrements par an.
Sean – Il est difficile d’apprécier combien on fait, tout va si vite, le projet suivant est vite arrivé. Mais oui, c’est énorme. On est workaholic et on aime ce qu’on fait plus que tout… voilà pourquoi on en est là. La raison d’être de Burger Records, c’est découvrir des choses que les gens ne connaissent pas et les diffuser.
Propos recueillis par Morgane De Capèle
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