Des rééditions revisitent deux mythes fondateurs de Californie : Buffalo Springfield au berceau et Love déjà dans la tombe. Du rêvé au cauchemar, deux disques à l’exact opposé du mirage californien. En 1967, tandis que les Byrds sont au zénith et que les Beach Boys entrevoient le fond du gouffre, Los Angeles fourmille de jeunes […]
Des rééditions revisitent deux mythes fondateurs de Californie : Buffalo Springfield au berceau et Love déjà dans la tombe.
Du rêvé au cauchemar, deux disques à l’exact opposé du mirage californien. En 1967, tandis que les Byrds sont au zénith et que les Beach Boys entrevoient le fond du gouffre, Los Angeles fourmille de jeunes musiciens aux dents qui raient la scène du Whisky-A-Gogo ou du Troubadour. A l’époque, Buffalo Springfield est un supergroupe qui s’ignore, une bombe à retardement. Imaginez : il y a là, en germe, en sève et en nerfs, tout ce qui va faire la grandeur et les petites misères du rock West Coast à venir. Soit Steve Stills, Neil Young et Ritchie Furay, comme chiens et chats. Le premier, Sudiste autocrate au caractère de cochon, brime les aspirations du second, guitariste épileptique débarqué de Winnipeg en corbillard, pendant que le troisième compte les points en rêvant de country plus tard, il fondera Poco. « Steve est le leader, mais nous le sommes tous » : les notes de pochette se veulent conciliantes, mais sur vinyle, la bataille fait rage. Vainqueur, par abus d’autorité : Stills, qui signe en outre une protest-song amère et sublime, For what it’s worth. Encore un peu tendre, Neil Young parvient quand même à placer cinq de ses chansons, dont le fondant Flying in the ground is wrong, chanté par Furay.
Il n’empêche, le groupe est balbutiant, placé sous la coupe de producteurs véreux, qui s’empressent de remixer l’album réédité ici en version mono originelle dans son dos. Transcendé par la haine qu’il se voue à lui-même, Buffalo Springfield paraphera sa carrière avortée avec un véritable chef-d’oeuvre, Again, avant de se débander, définitivement. A Los Angeles, une page se tourne. Certains s’envolent vers la gloire, d’autres sombrent dans l’oubli. En 1972, Arthur Lee est un junkie en rupture de ban, une épave qui se pose en habit de technicien de surface. Il est loin, le temps béni de Forever changes. Love s’est consumé dans la drogue, les violons et les trompettes sont au rancart. Porté au Golgotha de la renommée, crucifié par le destin, Arthur Lee pousse un dernier râle, un cri de désespoir. Plus il s’enfonce, plus il hurle, moins on l’entend. Prisonnier d’un groupe de hard-rock assemblé à la hâte, il fait exploser les limites du genre, chante tour à tour comme un gosse paumé (You can save up to 50 %), comme un ignoble macho (Hamburger breath stinkfinger) ou comme un ange déchu (Everybody’s gotta live), électrocuté (Find somebody). Chaque fois, il est bouleversant. Poussé dans ses derniers retranchements, la voix déchirée et la cervelle en miettes, il s’arrache quelques-unes de ses plus belles chansons, comme s’il savait déjà qu’il n’y aurait pas d’après. De fait, Vindicator est son testament, une perle noire, un de ces disques maudits qui hantent la face cachée des discothèques. Aux dernières nouvelles, Arthur Lee croupit dans une geôle de Californie. Pour lui, le cauchemar continue.
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