Asticoté par la guitare de Tom Morello, porté par des ballades et des reprises bien senties, un Springsteen disparate et inégal. Critique et écoute.
Soixante-quatre étés au compteur, mais il n’arrête plus. Wrecking Ball à peine refroidi, une tournée mondiale encore tiède, et déjà un nouvel album. Papy Bruce souffrirait-il d’incontinence ? Non, plutôt d’une revigorante énergie créative qui n’a rien à voir avec des arriérés d’impôts et peut-être tout avec l’aiguillon du temps désormais compté. Vivre rockaholic ou mourir, tel semble être le principe existentiel du Boss. Enregistré au fil des tournées et chez lui, avec Tom Morello comme principal sparringpartner, High Hopes est plus un assemblage de chansons de sources et inspirations disparates (créations, reprises de lui-même, de Suicide ou des Saints) qu’un album à la Wrecking Ball, taillé par la cohérence thématique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Parmi les nouveautés se détachent surtout les ballades (Down in the Hole, Hunter of Invisible Game…), mélodiquement inspirées, portées par des arrangements inventifs et un chant délicat. Consacrée à un ami d’enfance mort au Vietnam, The Wall est la plus rageuse et poignante de ce collier de perles atmosphériques. Déjà largement jouée sur scène et figurant sur un live, American Skin est ici magnifiée par une superbe production studio. Racontant l’assassinat d’un gamin noir par la police new-yorkaise, cet immense classique à haute teneur politique incarne aujourd’hui la violence d’une société américaine rongée par la liberté du port d’armes et vaut pour les brutalités policières partout dans le monde. The Ghost of Tom Joad subit aussi un intéressant traitement électrique, même si on débrancherait bien Morello dont le solo final n’en finit plus de couiner.
Autres reprises, le Just Like Fire Would de Chris Bailey, qui sonne comme un classique springsteenien vintage, alors que le Dream Baby Dream de Suicide conclut l’affaire de façon sublimement habitée. Dommage que cet album qui ronronne bien et gravit parfois de beaux sommets soit plombé par un gros creux à mi-parcours : rock générique (Frankie Fell in Love), production balourde (This Is Your Sword), gospel dont le texte semble signé par un prêcheur baptiste (Heaven’s Wall), autant de coups de freins et de rayures pour la berline Springsteen 2014. Un modèle néanmoins doté d’une motorisation agile et d’une carrosserie classique élégamment rehaussée de touches de modernité.
{"type":"Banniere-Basse"}