Paradoxe : alors même que les principales maisons de disques ne signent pratiquement plus d’artistes “difficiles”, c’est chez EMI que se retrouve l’un des groupes les moins aisément catégorisables de ces dernières années, Black Dice. Par un épatant concours de circonstances, dû à la collaboration entre cette multinationale et l’indépendant DFA, label de LCD Soundsystem […]
Paradoxe : alors même que les principales maisons de disques ne signent pratiquement plus d’artistes « difficiles », c’est chez EMI que se retrouve l’un des groupes les moins aisément catégorisables de ces dernières années, Black Dice. Par un épatant concours de circonstances, dû à la collaboration entre cette multinationale et l’indépendant DFA, label de LCD Soundsystem sur lequel Black Dice était originellement signé, le nouvel album du groupe se retrouve donc voisin de catalogue de Depeche Mode et Julien Clerc. De quoi rendre schizophrène, mais aussi fou de joie, car Black Dice est bien actuellement en pole position de la catégorie des groupes de rock déviant et mutant.
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Les précédents disques de ce groupe, qui avait débuté dans le punk hardcore et évolué vers des compositions plus abstraites et déconstruites, exploraient des matrices complexes, le plus souvent faites de bruits démultipliés et soutenus jusqu’à l’épuisement, d’explosions sismiques, d’instruments torturés, mais desquels sortait toujours une mélopée lancinante et captivante. Avec Creature Comforts (2004), Black Dice était parvenu à un bel équilibre formel, une alchimie brute et rayonnante, qui évoquait tout à la fois la musique africaine, l’expérimentation atonale et le rock progressif primitif.
Broken Ear Record, le nouvel album, explore des terrains tout aussi accidentés, portés par d’étonnantes rythmiques aux pulsations organiques et fragmentées de toutes parts. Dur d’accès (comme le confirme son titre ? en français, Disque de l’oreille cassée ), moins séduisant que le précédent album, il donne souvent la sensation d’entendre une ménagerie sous acide.
Une même impression de foisonnement surgit à l’écoute des albums d’Animal Collective (Feels, le dernier en date dont la critique est à découvrir en lien à celle-ci), qui cultive avec Black Dice une liaison fidèle. Les deux groupes sont basés à Brooklyn, dans le quartier de Williamsburg, et entretiennent un charmant petit rituel : à chaque fin d’enregistrement, ils organisent des séances d’écoute mutuelle. De cette amitié est aussi né un troisième groupe, commun, Terrestrial Tones, plus électronique, industriel et lo-fi.
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