Sur un album intrépide, les Bruxellois de BRNS dessinent les contours accidentés et escarpés d’un rock à combustion lente. Attention : y stationner peut se révéler très dangereux. Rencontre, critique et écoute.
On a déjà beaucoup parlé de BRNS (prononcer “Brains”). Repéré l’an dernier avec un sept-titres (Wounded), le groupe, à l’heure de cette première “vraie” pression à froid qu’on nomme album, n’en est déjà plus à son coup d’essai. Avec sa pop faite d’expérimentations, de boucles et de hachures, le quatuor bruxellois cultive depuis longtemps l’art de mélanger les cartes. Il les rebat aussi selon sa propre logique.
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“Le rock à guitares, le songwriting, ça n’a jamais été trop notre truc, expliquent ses membres en choeur. On a décidé d’opter pour une démarche qui aille au-delà du format couplet/refrain, dont on avait un peu marre. Au flair, on crée des ponts entre musiques populaires et ‘cérébrales’.”
Une science du grand écart
Belges potaches à la ville, ces quatre garçons entretiennent sur disque planante catharsis et pulsions atrabilaires, portées par le cri primal de leur chanteur/batteur Timothée Philippe. Passé ce mur d’épines, Patine, leur premier-né, est aussi hybride : une science du grand écart, de la collision jusqu’à la collusion, qui les aura amenés depuis leurs débuts en 2010 à sillonner l’Europe, de Brighton à Moscou, et à côtoyer les grosses machines mainstream de Solidays comme la frange dure des formations hardcore ou math-rock lors de plus alternatifs festivals.
Leur sens du “patchwork instinctif”, selon leurs propres termes, en aura fait les chantres d’un syncrétisme qui les désigne d’office comme les cousins européens d’Animal Collective par exemple. La faute à leur formidable pouvoir d’assimilation, qui tient autant de la décomplexion chronique que de la synthèse à la lumière noire de leur érudition musicale. Rassemblés autour de la pop, Diego, César, Antoine et Tim ont poussé sur un terreau musical fertile enraciné dans la discothèque familiale, entre classic rock, jazz, afrobeat, divagations alternatives ou fulgurances grunge. Antoine Meersseman (claviers, basse) :
“Notre musique est un mix de toutes nos influences, du post-rock, qu’on a découvert sur le tard, à la noise en passant par l’abstract hip-hop. Quand j’étais môme, j’allais faire les disquaires avec mon père le samedi après-midi. J’étais à fond dans Nirvana, lui me balançait tous les Grandaddy, Flaming Lips… Quand on a commencé le groupe, on écoutait toute la scène de Portland, Baltimore ou Detroit.”
“Paradoxalement, précise Diego Leyder (guitariste), notre plus grande influence reste Radiohead. On cherche, comme eux, à faire quelque chose d’à la fois accessible et complexe, à notre humble niveau : eux jouent en Champions League, nous en D2.”
Du digital à l’huile de coude
Sur scène, leur implantation en arc de cercle, où chacun s’apostrophe et se répond, joue les parfaites métaphores de leur génie créatif entre configuration elliptique et jeu d’arcade. Le live, sur le long terme, reste une polarité du groupe. A l’exact opposé, il y a l’immédiateté du web, par lequel BRNS s’est fait connaître. Du digital à l’huile de coude : une dichotomie à laquelle ils se collent au quotidien.
“On fait presque figure, dans notre genre, de cas d’école : découverts sur la toile, on s’est directement positionnés comme un groupe de scène – on savait qu’on aurait très peu de chances de vendre des disques. A moins d’être Pharrell Williams, la seule manière de vivre quand tu es musicien, c’est de tourner. Si ça ne tenait qu’à nous, on mettrait notre son en libre téléchargement. Le jour où on a dû retirer l’accès gratuit à notre musique sur Bandcamp, ça nous a fait un peu mal.”
Farouchement indépendants, réfractaires à l’idée de se faire récupérer, ils redoutent l’étiquetage facile : dans la vie de BRNS, la comparaison avec les Britanniques de Wu Lyf, auxquels ils ne vouent qu’un intérêt très modéré, a des allures de pansement du capitaine Haddock, et la hype fait figure de plaie par balle.
“On tient à privilégier une éthique, on n’a pas envie d’être bookés par Live Nation. Le succès, dans notre cas, ça n’a rien d’une obsession : même si on tournait moins, on continuerait de jouer la musique qu’on joue.”
A l’aube d’un succès qu’on leur souhaite planétaire, certains signes ne trompent plus : tandis que Gus Unger-Hamilton, d’Alt-J, pose en lainage orné d’un chasseur pour la presse, Antoine Meersseman arbore fièrement, en promo, un pull faisan. L’heure est-elle à la concurrence mode chez les éminences grises du moment ? “Le jour où on sera des références fashion, il faudra se poser des questions, conclut le groupe. Pour l’instant, on fait toujours partie des rockeurs ploucs.”
concerts le 30 octobre à Bordeaux, le 31 à Angers, le 1er novembre à Vendôme, le 5 à Allonnes, le 6 à Caen, le 7 à Rennes, le 8 à Lorient, le 9 à Laval, le 13 à Nancy, le 14 à Troyes, le 15 à Strasbourg, le 10 décembre à Paris (Trabendo, dans le cadre du Winter Camp Festival)
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